Comme on pouvait s'y attendre, le tour de vis qu'Ottawa vient de donner au programme des travailleurs étrangers temporaires (TET) ne satisfait personne. Disons-le franchement: l'utilisation de main-d'oeuvre importée est une question complexe qui requiert plus d'intelligence que les parties en ont manifesté jusqu'ici.

Deux cents mineurs chinois pour pouvoir démarrer l'exploitation d'une nouvelle mine en Colombie-Britannique. Des employés de banque à qui l'on demande de former les étrangers qui effectueront leur travail. Un entrepreneur qui fait venir des ouvriers irlandais pour travailler à la construction d'un hôpital à Winnipeg. Un programme dont l'utilisation a plus que triplé en 10 ans, permettant près de 340 000 travailleurs étrangers temporaires de gagner leur croûte au Canada à la fin de l'an dernier. Avec, en toile de fond, un taux de chômage qui reste obstinément collé au-dessus de 7%.

Il fallait vraiment que la pression soit intenable pour que le gouvernement Harper, peu porté sur la marche arrière, revienne sur deux décisions annoncées l'an dernier. La possibilité de payer les étrangers jusqu'à 15% moins cher que la main-d'oeuvre locale est éliminée, et l'analyse accélérée de la démonstration du besoin (AMT-A) suspendue jusqu'à nouvel ordre.

Les autres mesures annoncées lundi, comme l'obligation d'intensifier le recrutement local, l'interdiction d'exiger une autre langue que le français ou l'anglais et l'obligation de présenter un plan pour pourvoir les postes localement un jour, étaient déjà toutes dans le dernier budget.

Les lobbys d'entreprises trouvent que c'est trop, les regroupements de travailleurs pas assez. Tous devraient respirer par le nez.

Les employeurs ont des besoins bien réels. Mais ils doivent aussi comprendre qu'il s'agit d'un sujet sensible où la légalité n'excuse pas tout. Si les dirigeants de HD Mining avaient su dire combien d'années il leur faudrait pour former toute la main-d'oeuvre canadienne dont ils ont besoin, et si la Banque Royale avait exigé de son sous-traitant que le travail imparti soit accompli par de la main-d'oeuvre locale, on n'en serait pas là.

Syndicats et regroupements de travailleurs étrangers ont aussi des préoccupations légitimes. Mais leur discours parfois simpliste (opposer le nombre de chômeurs canadiens au nombre de TET, exiger le statut d'immigrant reçu pour tous les TET) n'aide pas leur cause.

Il ne suffit pas, comme on nous le promet à Ottawa, que les Canadiens aient priorité sur les emplois locaux. Il faut aussi s'assurer, lorsqu'ils n'ont pas les compétences requises, qu'ils puissent les acquérir pour occuper ces postes. Et demeurer à l'affut des effets pervers pour éviter, par exemple, que les conditions de travail de certains emplois se dégradent au point où seuls des TET acceptent de les occuper.

Le tournevis, dans les circonstances, demeure plus indiqué que le marteau. Et encore, à condition de s'en servir avec doigté.

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