Le géant minier canadien Barrick Gold sera-t-il puni pour la rémunération délirante accordée au nouveau coprésident de son conseil? C'est ce qu'on saura à l'assemblée annuelle ce matin, alors que trois des membres de ce conseil pourraient se voir montrer la porte par les actionnaires.

S'attendait-on, chez Barrick, à ce que ça passe comme du beurre dans la poêle? C'est l'impression que donne sa circulaire de procuration - le document dans lequel une entreprise cotée en Bourse est censée expliquer comment elle paye ses dirigeants. On y cherchera en vain la justification du traitement somptueux accordé à John Thornton: 17 millions de dollars US pour 2012, incluant une prime à la signature de 11,9 millions, dont une fraction est liée au rendement. La prime, par exemple, a été versée «en reconnaissance de ses compétences et de son expertise uniques, et de ses contributions». M. Thornton a coprésidé le conseil durant la moitié de l'année, après moins de quatre mois au conseil. Comme le fait remarquer avec justesse la firme de conseil en gouvernance ISS, «au lieu de payer pour une performance et une valeur pour les actionnaires, la société paie pour l'attente d'une performance.»

ISS a donc recommandé aux actionnaires de voter contre la résolution sur la rémunération. La Caisse de dépôt et sept autres investisseurs institutionnels majeurs iront encore plus loin, en votant contre l'élection des membres au comité de rémunération.

Ce front commun, et le communiqué qui l'annonçait vendredi dernier, a eu l'effet d'un coup de poing sur la table. Les investisseurs institutionnels canadiens ont l'habitude de passer leurs messages directement, donc discrètement. Cette sortie montre à quel point Barrick est déconnectée. Non seulement la minière n'a pas réalisé l'énormité de son geste, mais elle a pensé qu'elle pouvait ignorer les poids lourds qui, comme la Caisse, l'ont contactée au préalable.

On verra si ces huit-là ont rallié suffisamment d'actionnaires pour punir les trois membres du comité de rémunération. Selon les règles en vigueur chez Barrick, l'administrateur qui reçoit une majorité de votes défavorables à son élection doit remettre sa démission. Le conseil a 90 jours pour décider s'il l'accepte, puis doit annoncer sa décision par communiqué.

Les cyniques diront que Barrick n'aura qu'à refuser les démissions, et à garder ses administrateurs. De fait, la société a une solide réputation de n'en faire qu'à sa tête en matière de gouvernance. Mais il y a une différence entre tenir son bout et regarder tout le monde de haut.

La minière est allée se chercher un administrateur prestigieux, branché à l'international, Chine incluse. Mais un ex-président de Goldman Sachs comme M. Thornton, ça se paye. Le fait que l'entreprise n'ait même pas essayé de vendre sa salade en dit long sur son mépris des actionnaires.

Espérons que ceux-ci se feront entendre. Barrick, dont les déboires ont commencé bien avant la récente chute des cours de l'or, a grand besoin d'une leçon d'humilité.

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