On s'habitue à tout, mais ce n'est pas toujours une bonne chose. Un mois après l'entrée en vigueur de 85 milliards de dollars de compressions automatiques aux États-Unis, il faut se rendre à l'évidence: cette mesure extrême n'a pas produit l'électrochoc escompté.

Samedi après-midi, le président Obama est allé jouer au golf. Sa première partie depuis que le couperet est tombé sur le budget américain, le 1er mars dernier. Des critiques républicains réclamaient qu'il renonce à ce sport nécessitant la présence d'agents des services secrets, puisque c'est précisément pour réduire les heures de travail de ces employés que la Maison-Blanche a suspendu ses populaires visites au public.

Anecdotique? Comme presque toutes les manifestations de ces coupes aveugles jusqu'ici. Ces compressions, rappelons-le, n'avaient pas été conçues pour s'appliquer mais, au contraire, pour forcer les élus à s'entendre sur de meilleures solutions. Qu'ils les aient laissé passer montre à quel point ce Congrès est dysfonctionnel. Seuls les risques de paralysie immédiate semblent encore faire effet - c'est ce qui a récemment convaincu le Sénat et la Chambre d'approuver une résolution spéciale pour financer l'administration publique jusqu'à la fin septembre.

La menace de compressions aveugles de 85 milliards, par contre, ne semble pas mériter un tel effort. Consternant! Si certaines mesures annoncées jusqu'ici sont plutôt raisonnables (réduction dans les dépenses des élus, retard dans l'ouverture du parc Yellowstone), d'autres sont absurdes (mission d'un porte-avion annulée à la dernière minute), voire inquiétantes (fermeture de 149 tours de contrôle, délais dans le nettoyage d'un site de déchets nucléaires, etc.). Et c'est sans compter les congés sans solde imposés aux fonctionnaires fédéraux, dont l'application reste à préciser.

L'impact sur la population sera inégal, mais bien réel. Des programmes d'aide au logement et à l'éducation vont être coupés, des employés de l'État et des sous-traitants vont devoir restreindre leurs dépenses, et les simples citoyens vont subir des retards et diverses contrariétés dans les services publics.

Rien de tragique, sauf dans les régions où une part importante de l'économie est tributaire de la Défense, mais du sable un peu partout dans les engrenages, souvent là où on ne s'y attend pas. L'aspect imprévisible de ces coupes risque d'affecter particulièrement les pays qui ont des relations importantes avec les États-Unis, comme le Canada. Les voyageurs ont tous entendu parler des retards possibles aux frontières et dans les aéroports. Les entreprises qui commercent avec nos voisins, elles, pourraient devoir composer avec de nombreux irritants qu'on ne soupçonne pas encore.

Si, au moins, l'expérience pouvait servir de leçon. Hélas, le seuil de tolérance des élus américains semble aussi facile à relever que le plafond de la dette. Voilà qui augure bien mal pour l'assainissement des finances publiques.

akrol@lapresse.ca

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