Si vous avez besoin d'une hypothèque résidentielle et que vous n'aimez pas négocier, ne comptez pas sur le ministre fédéral des Finances pour vous aider. Au contraire. En empêchant les prêteurs d'afficher des taux plus réalistes, il complique la tâche des clients en quête d'une meilleure offre.

Jim Flaherty ne veut pas voir les institutions financières se battre à coups de taux hypothécaires. Il l'a dit au début du mois, quand la Banque de Montréal a ouvert le bal avec un terme de cinq ans fermé à 2,99%, et l'a répété cette semaine lorsque la Banque Manuvie a renchéri à 2,89%. Il a contacté la BMO lui-même et fait appeler la Manuvie par un collaborateur. La première n'a pas bronché, la seconde a remonté son taux à 3,09%.

Venant d'un gouvernement désireux de réduire l'empreinte de l'État et pour qui la concurrence est une panacée, cette intervention est proprement ahurissante. «Je veux m'assurer que les gens pourront encore payer leur hypothèque quand les taux remonteront», s'est justifié M. Flaherty en essayant les chaussures qu'il portera au budget aujourd'hui.

De fait, personne n'a intérêt à ce que le marché immobilier s'effondre comme aux États-Unis. C'est pour ça que le ministre des Finances a encore resserré les critères de l'assurance hypothécaire l'été dernier. Très efficace, comme le montre le ralentissement des derniers mois. On ne peut pas en dire autant de sa croisade contre la pub hypothécaire - car c'est de cela qu'il est question.

M. Flaherty ne veut pas voir de guerre des taux? Les prêteurs vont continuer à se la livrer discrètement, comme ils l'ont toujours fait. Ils ne l'annoncent pas, mais ils ont mieux à offrir que le 2,99% affiché par la BMO. Certains clients sont même capables d'aller chercher 2,79%, nous dit-on.

Une surenchère de taux alléchants en réclame partout aurait peut-être poussé des consommateurs hésitants à acheter, et redonné un peu de vigueur au marché. Cette perspective a déplu à M. Flaherty, qui préfère le voir ralentir davantage pour écarter tout risque de chute brutale. L'impact sur la SCHL, la société d'État qui assure le plus d'hypothèques résidentielles au pays, est aussi une préoccupation.

Ces craintes ne justifient cependant pas qu'un ministre des Finances empêche des entreprises de se concurrencer ouvertement. Encore moins qu'il mette des bâtons dans les roues des consommateurs.

Les bas taux des dernières années ont incité beaucoup de consommateurs à trop s'endetter, c'est vrai. Mais tous ne sont pas tombés dans le piège, loin de là. Prétendre que faciliter l'accès à des conditions encore plus avantageuses provoquerait une hécatombe est non seulement faux, mais terriblement condescendant.

Obliger les institutions financières à continuer d'afficher leurs taux gonflés à l'hélium ne garantit qu'une seule chose: beaucoup de clients n'obtiendront pas la meilleure offre à laquelle ils pourraient avoir droit. Beau travail, Jim!

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