La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a le droit de recouvrer des sommes à la place d'un citoyen qu'elle a indemnisé. Mais sa décision d'exercer ce droit dans le cas des victimes de l'amiante est pour le moins discutable.

Il y a de l'argent aux États-Unis pour les travailleurs affectés par l'amiante. Les Québécois commencent à le savoir et à en réclamer. Mais s'ils ont déjà reçu une indemnité de la CSST, ils perdent leurs droits sur cette somme.

C'est la mauvaise nouvelle qu'a reçue un homme de 80 ans dont notre collègue Marc Thibodeau a parlé récemment. Après lui avoir versé 15 000$, la CSST a demandé un dédommagement en son nom aux États-Unis, supplantant le recours qu'il avait entrepris. Ce retraité ne pourra donc pas toucher plus d'argent, à moins que la CSST ne reçoive davantage qu'elle ne lui a versé.

La Loi donne en effet à la Commission le droit de se substituer à un de ses bénéficiaires contre le responsable de la lésion professionnelle, jusqu'à concurrence des prestations accordées.

La CSST a par exemple poursuivi une entreprise américaine dont l'équipement était défectueux - mais dans les faits, elle n'exerce pas souvent ce droit.

Les fonds américains destinés aux victimes de l'amiante constituent un cas à part, parce que les démarches sont faciles pour les demandeurs. Dans un cabinet comme Motley Rice, par exemple, un dossier médical et un questionnaire peuvent suffire pour que les avocats retracent les produits responsables et, si l'entreprise a constitué un fonds d'indemnisation, aillent chercher de l'argent.

Cette simplicité est un avantage pour les malades et leurs proches. Malheureusement pour eux, elle constitue apparemment un attrait irrésistible pour la CSST. L'organisme a ainsi reçu plus de 4,2 millions de dollars l'an dernier, et pense recouvrer 6 millions cette année.

La Commission n'a pas pu nous dire combien lui coûte l'amiante chaque année, mais il affirme verser beaucoup plus d'argent qu'elle n'en récupère.

C'est possible. L'exposition à l'amiante antérieure à 1980 est responsable de 75% des décès dus à une maladie professionnelle - 19 morts par an en moyenne. Sans oublier les indemnités accordées aux victimes vivantes.

À d'autres égards, par contre, la CSST s'en tire à très bon compte. À peine plus d'un mésothéliome sur cinq fait l'objet d'une réclamation à la Commission, alors que ce cancer n'a pas d'autre cause connue que l'amiante. Les maladies contractées dans les milieux non traditionnels, comme les écoles, sont aussi sous-déclarées, et les malades qui font une réclamation réussissent rarement à se faire indemniser. Et quand la CSST accorde un dédommagement pour un de ces milieux où l'employeur existe toujours, elle peut augmenter ses primes.

Québec commence à peine à admettre à quel point il s'est trompé sur l'amiante. Sa société d'État devait se garder une petite gêne et laisser les victimes aller chercher toutes les indemnités qu'elles peuvent toucher.

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