L'incompétence des forces policières devant les disparitions du quartier Downtown East Side (DTES) de Vancouver est notoire. Leurs idées préconçues sur les victimes ont considérablement nui à leur travail, montre le rapport d'enquête publique diffusé cette semaine.

Reconnu coupable de six meurtres non prémédités, Robert Pickton a été condamné en 2007 à la prison à vie sans possibilité de libération avant 25 ans. Il avait été accusé de 20 autres meurtres et aurait avoué avoir tué 49 femmes au total.

Pendant des années, la police a nié les disparitions, préférant croire que plusieurs des femmes étaient parties ailleurs. Est-ce parce que beaucoup étaient autochtones? Ou qu'ils les voyaient comme des épaves à la dérive? Venant d'un quidam qui aurait vaguement entendu parler des prostituées droguées du DTES, le préjugé serait compréhensible. De la part du corps de police responsable de ce quartier, par contre, c'est consternant. D'autant que les informations fournies par les proches, les travailleurs sociaux et le personnel médical démolissaient cette thèse.

Ces femmes, qui avaient besoin de méthadone ou de drogue tous les jours, étaient en quelque sorte prisonnières d'un rayon de huit à douze pâtés de maisons. Et plusieurs maintenaient un contact régulier avec leurs proches. Bref, il n'y avait aucune chance qu'elles partent en voyage sans donner de nouvelles.

Le refus de considérer les victimes comme disparues a complètement bousillé les enquêtes. On sait à quel point les premières heures sont cruciales. Pourtant, au lieu d'aller rapidement fouiller les lieux et interroger le voisinage et les proches, les policiers se traînaient les pieds pendant des semaines et des mois. Ils restaient au poste, d'où ils faisaient des vérifications au téléphone et dans des bases de données.

Les forces de l'ordre s'étaient fixé tellement de critères pour reconnaître les disparitions qu'en janvier 2001, elles pensaient qu'il n'y en avait plus depuis deux ans!

Considérant que ces femmes avaient un «style de vie à haut risque», les policiers ne s'étonnaient même pas de ne plus les voir, d'autant qu'on ne trouvait pas de corps. Interprétation erronée encore une fois. Les travailleurs du sexe courent 60 à 120 fois plus de risques d'être victimes de meurtres et sont les proies les plus probables des tueurs en série, souligne le rapport. L'absence de cadavres renforçait aussi l'hypothèse d'un tueur en série organisé. Pourtant, les autorités ont attendu jusqu'en novembre 2000 avant de la retenir.

Nier l'existence d'un tueur en série a retardé l'enquête et l'indispensable collaboration avec les autres corps policiers de plusieurs années.

En jugeant que ces femmes ne méritaient pas d'enquêtes dignes de ce nom, les corps policiers de la région de Vancouver ont permis à Pickton de faire un nombre effarant de victimes. Ils ont une part de responsabilités importante dans ces décès.

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