Les meurtres commis dans le but de laver l'honneur d'une famille ou d'un individu ne sont souvent pas motivés par la religion, mais sont plutôt fondés sur les priorités, l'ego et la mentalité d'une personne, souligne le rapport d'un psychiatre, préparé à l'intention du ministère fédéral de la Justice. Une nuance essentielle qu'on aurait intérêt à retenir.

«De nombreux individus ne commettront jamais de tels actes. C'est pour cette raison qu'il faut aussi considérer le rôle de la psychopathologie», fait valoir le Dr Amin Mohammad.

Son rapport, obtenu par notre collègue William Leclerc par la loi sur l'accès à l'information, a été déposé en juin 2010. Il aurait dû être rendu public depuis longtemps.

L'auteur ne cherche pas à minimiser la responsabilité des meurtriers. Au contraire, dit-il, la majorité de ceux qui commettent des crimes d'honneur n'ont probablement aucune psychopathologie permettant de justifier une responsabilité diminuée. Par contre, plaide-t-il, des examens approfondis effectués par des psychiatres expérimentés ayant de bonnes connaissances culturelles pourraient être utiles aux tribunaux.

Ils pourraient, à tout le moins, contribuer à une meilleure compréhension générale.

Tuer froidement ses enfants, son épouse ou sa soeur pour des comportements considérés ici comme banals (habillement, fréquentations, etc.), parfois avec la complicité d'autres membres de la famille, nous paraît tellement barbare qu'il est facile de perdre de vue toute nuance.

Et à force d'entendre parler de l'origine de ces crimes soi-disant pour l'honneur, et des pays où ils sont plus fréquents (voire même tolérés), on en oublie que ces actes ne font pas l'unanimité dans les communautés établies ici.

On a pourtant vu, dans l'affaire Shafia, à quel point plusieurs membres de la famille désapprouvaient la rigidité du père, et ce, bien avant que sa première femme et trois de ses filles ne finissent noyées dans un canal. Et comment la jeune Aqsa Parvez, avant d'être assassinée par son père et son frère dans la résidence familiale, avait trouvé refuge dans une autre famille pakistanaise beaucoup plus ouverte qui avait intercédé auprès de ses parents.

Considérer les crimes d'honneur comme des conséquences quasi logiques de certaines cultures est non seulement réducteur, mais pernicieux. Le risque de minimiser la responsabilité individuelle est alors bien réel.

Les tribunaux canadiens ont heureusement évité cet écueil, comme en témoignent les sentences récentes.

Les services sociaux, par contre, semblent avoir du mal à trouver leurs repères. Dans l'affaire Shafia, au Québec, et Parvez, en Ontario, ce n'est pas seulement le danger d'homicide qui a été sous-estimé, mais la menace générale que représentaient les pères de ces jeunes filles. Et tant qu'on persistera à évaluer ce genre d'individus avec l'idée qu'on se fait de leur communauté, on risque d'assister à la répétition de tels drames.

akrol@lapresse.ca

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