La protection d'une catégorie de malades ne justifie pas qu'on en lèse une autre, conclut la Cour suprême de Colombie-Britannique dans une décision majeure sur l'aide médicale à mourir. Enfin!

Cette porte que la Cour suprême du Canada avait fermée au nez de Sue Rodriguez il y a 19 ans vient de s'entrebâiller. Les dispositions actuelles sur le suicide assisté briment les personnes qui sont gravement et irrémédiablement malades, qui sont invalides ou le seront bientôt. Elles créent une distinction basée sur l'incapacité physique qui est discriminatoire, indique la juge Lynn Smith dans sa décision rendue vendredi dernier.

Cette interprétation tiendra-t-elle la route? On le saura dans quelques années, lorsque la Cour suprême du Canada se prononcera en dernière instance. En attendant, la décision de la juge Smith a le grand mérite de faire avancer ce débat qui, depuis trop longtemps, tournait en rond autour des mêmes arguments.

On s'inquiète toujours des patients vulnérables qui pourraient se sentir obligés de demander une aide médicale à mourir qu'ils ne désirent pas vraiment. Sauf que les gens comme Gloria Taylor, la femme atteinte de la maladie de Lou Gehrig qui à l'origine de cette nouvelle cause, ont aussi des droits, rappelle la juge Smith.

L'article du Code criminel qui condamne l'aide au suicide pourrait inciter Mme Taylor à s'enlever la vie pendant qu'elle en est encore capable, soit plus tôt que si elle avait de l'aide pour le faire. La loi actuelle brime donc son droit à la vie prévu par la Charte canadienne des droits et libertés et ratisse trop large par rapport aux objectifs recherchés, raisonne la juge. Ce qui la rend, selon elle, inconstitutionnelle.

Autrement dit, la peur des dérapages ne permet pas d'interdire n'importe quoi. On ne peut pas ignorer la détresse d'une catégorie de malades sous prétexte d'en protéger une autre. C'est un message d'humanité qui fait du bien à entendre.

Certaines personnes accordent une grande valeur morale à la souffrance, et cela doit être respecté jusqu'à leur dernier souffle. Mais d'autres, et elles sont de plus en plus nombreuses, ne partagent pas cette vision. Il est grand temps qu'elles soient respectées aussi. Les condamner à de longues souffrances à leurs yeux vides de sens est tout simplement cruel et inacceptable.

La décision rendue en Colombie-Britannique est une bonne nouvelle pour le Québec, où la commission Mourir dans la dignité a elle aussi ouvert la porte à l'aide médicale à mourir. La Commission a beau avoir proposé un cadre très étroit, sa demande de légiférer sur une question relevant du fédéral est un casse-tête pour la province.

Avec le jugement Smith, le plus haut tribunal du Canada n'a plus le choix: il devra réétudier le problème. Québec doit poursuivre son travail, mais sans la pression d'avoir à livrer un projet de loi d'ici un an comme le recommandait sa commission. Mieux vaut attendre de voir ce qu'Ottawa fera de sa propre loi.

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