Que le gouvernement Harper ne veuille pas cotiser au fonds d'urgence du FMI en faveur de la zone euro, passe encore. Mais qu'il nous épargne ses commentaires moralisateurs sur la crise européenne. Ils ne sont d'aucune utilité.

Le premier ministre a profité de sa visite sur le Vieux Continent pour faire la leçon à ses hôtes. L'Europe doit en faire plus par elle-même avant de demander l'aide du Fonds monétaire international (FMI), a-t-il indiqué en entrevue au Financial Times la semaine dernière. «Ils doivent se retrousser les manches et vaincre ce problème avec leurs propres ressources», a renchéri le ministre des Finances Jim Flaherty à Ottawa. Le député Pierre Poilièvre a enfoncé le bouchon, dénonçant les «somptueux États-providence» européens. «Ils veulent un plan de sauvetage pour continuer à dépenser ce qu'ils n'ont pas», a-t-il raillé en Chambre.

Ce gouvernement qui ne rate pas une occasion de se poser en bon élève n'a pourtant pas de leçon à donner. La précédente administration libérale avait fait le ménage dans les finances publiques, et les normes qui ont permis aux banques canadiennes de traverser la crise financière la tête haute étaient en place avant son arrivée.

Faisant bande à part au sein du G20, le Canada, tout comme les États-Unis, refuse toute contribution, même symbolique, au fonds constitué par le FMI pour venir en aide à la zone euro. De la part d'un pays si avide de conclure un accord de libre-échange avec l'Union européenne, ça peut paraître chiche, mais bon, assumons-nous. On ne reprochera pas à des élus de se montrer prudents avec l'argent des contribuables.

Un «non poli» aurait suffi. Pourquoi en rajouter avec des commentaires condescendants? D'autant que ces jours-ci, sermonner l'Europe sur la nécessité de se serrer la ceinture est non seulement superflu, mais contre-productif. On l'a vu en Grèce comme en France: l'austérité est devenue un terme toxique.

Il est temps de faire preuve d'un peu d'honnêteté dans le discours. Pour alléger leurs dettes publiques, les États doivent vivre selon leurs moyens, c'est incontournable. Il faut cependant reconnaître qu'en temps de crise, l'austérité accélérée n'est pas le moyen idéal d'y parvenir. Devant l'urgence de la situation, c'est le traitement qui s'impose. Mais ses effets néfastes sur la croissance et le climat social sont tels que le patient ne peut faire autrement que se rebiffer.

Ceux qui s'imaginent faire oeuvre utile en agitant un index accusateur sous le nez de l'Europe ne comprennent vraiment pas ce qui s'y passe actuellement.

Le gouvernement Harper n'est pas le premier. Les politiciens allemands ont fait bien pire en multipliant les menaces et propos humiliants à l'endroit de la Grèce. Ce discours bravache s'adressait en réalité aux Allemands. Malheureusement, il a surtout enragé l'électorat grec, avec les résultats que l'on sait.

Le silence est d'or, dit-on. Ça en fait une valeur sûre par les temps qui courent.

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