«Pas d'accord! Pas d'accord!» De Villeray à Limoilou, de la cathédrale de Trois-Rivières à celle de Saint-Jérôme et du centre-ville de Chicoutimi au secteur de Hull, l'insatisfaction s'exprime désormais sur fonds de chaudrons. Et au-delà des griefs individuels, c'est le ras-le-bol de ne pas être écouté qui se fait entendre.

Lancée le 19 mai pour protester contre la loi d'exception, l'initiative a pris une ampleur que personne n'avait prédite. Sa popularité, toutefois, s'explique aisément. Taper sur une casserole de son balcon ou au coin de la rue est un exutoire facile d'accès et terriblement contagieux. Il suffit de voir les sourires ravis des petits et grands pour le comprendre. Les pancartes et drapeaux sont rares, les slogans secondaires. L'atmosphère tient davantage de la fête de quartier que de la manifestation. La plupart des participants, pourtant, ont des choses à exprimer.

Certains appuient les étudiants, réclament le retrait de la loi spéciale (78) ou la démission du gouvernement Charest. Mais pas tous, loin de là. Les motifs de récrimination sont innombrables, et c'est l'autre raison du succès de ce rendez-vous de 20h. Corruption et gaspillage de fonds publics, gaz de schiste, inégalités dans l'accès aux services... Les Québécois en ont gros sur le coeur, et grand besoin de le faire savoir. Beaucoup ne veulent pas aller dans une manifestation traditionnelle, avec un point de rendez-vous à l'autre bout de la ville et le risque que ça se gâte. Mais ils en ont assez de se taire. Alors ils quittent les rangs de la majorité silencieuse, à grands coups d'ustensiles de cuisine.

Le mouvement a beau se répandre comme un feu de brousse, il est trop cacophonique pour obtenir quoi que ce soit du gouvernement. Ce qui ne veut pas dire qu'il soit inutile, au contraire. La grande diversité des participants montre, mieux que n'importe quel sondage, l'étendue de la grogne populaire.

Impossible de réduire cette grogne à quelques groupes prévisibles, comme avec les droits de scolarité. Ou d'évoquer sa violence pour la discréditer. L'expression par le chaudron n'est pas seulement pacifique, mais souriante, familiale et festive. Il faudra voir ce qui arrivera aux groupes qui, improvisant un trajet, finissent par ressembler à une manifestation classique. Ceux qui demeurent dans leur quartier, par contre, semblent peu susceptibles d'être infiltrés par des casseurs.

Le mouvement, tellement plus large que la crise étudiante, pourrait se poursuivre après le règlement de celle-ci. En fait, les doléances sont si nombreuses qu'on ne voit pas quel geste pourrait les apaiser. Pas très efficace pour faire changer les choses. Pour se faire entendre, par contre, c'est redoutable.

Les rassemblements de quartiers finiront sans doute par s'étioler - des voisins attendent ce moment avec impatience. La casserole, cependant, est un accessoire qu'on n'a pas fini de voir dans le paysage politique.

akrol@lapresse.ca

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