Même s'il n'a rien d'un charmeur de serpents, le président-directeur de Google a fait plutôt bonne figure hier, devant le sous-comité sénatorial qui l'avait convoqué. Les soupçons de pratiques anticoncurrentielles demeurent, mais cette audience a bien montré la difficulté de les étayer.

Google trafique-t-elle les résultats de recherche pour privilégier ses activités commerciales au détriment de celles de ses concurrents? Eric Schmidt a fait de son mieux pour discréditer cette thèse. Vêtu d'un veston-cravate qui ne doit pas lui servir souvent sur la côte Ouest, le dirigeant est apparu calme, détendu, presque humble même, affirmant d'entrée de jeu avoir appris sa leçon de ses prédécesseurs. Traduction: je ne ferai pas un Bill Gates de moi-même.

Le patron de Microsoft, convoqué pour des raisons similaires à Washington à la fin des années 90, n'avait pas aidé sa cause en prenant les élus de haut. Mais la comparaison entre les positions dominantes des deux géants technos a ses limites. Même le moins doué des utilisateurs d'internet en conviendra: utiliser un autre moteur de recherche est un jeu d'enfant qui n'a rien à voir avec l'installation d'un autre système d'exploitation. Personne n'est captif de Google.

C'est un peu ce que dit Eric Schmidt quand il affirme que la concurrence est à un clic de distance. La frustration des sites Expedia, Yelp et Nextag, qui accusent Google d'avantager ses divisions concurrentes à leur détriment, est compréhensible. Mais il n'y avait rien, dans leur témoignage d'hier, pour mobiliser la population.

Or, pour que les agissements de l'entreprise soient considérés comme répréhensibles, ils ne faut pas seulement qu'ils nuisent à ses concurrents. Il faut que les consommateurs soient lésés.

Les autorités américaine et européenne de la concurrence seront plus regardantes que le sous-comité sénatorial, qui n'a pas de réel pouvoir. Mais avant de serrer les ouïes à Google, elles devront fournir des preuves de ce qu'elles avancent. Pour cela, il faudrait qu'elles puissent étudier le fameux algorithme dont dépendent les résultats de recherche.

Google, on s'en doute, n'est pas près d'accepter. C'est sur ce système complexe, constamment affiné, que repose la précision de ses résultats et de sa régie publicitaire. C'est ce qui lui a permis de dominer le marché de la recherche internet et, forte de ces revenus, d'élargir constamment son offre de produits et services. Elle se battra avec la dernière énergie pour ne pas le dévoiler.

Évidemment, si des hordes de consommateurs furieux se déchainaient contre l'entreprise, l'accusant de leur avoir fait perdre de l'argent, ce serait différent. Si c'étaient eux, et pas seulement les commerçants, qui reprochaient au moteur de recherche de les priver des meilleures offres, ça donnerait des munitions aux gendarmes de la concurrence. Mais on n'en est pas là. Loin de là.

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