La vaste réforme financière que vient de ratifier Barack Obama compte plus de 2300 pages. Pourtant, l'essentiel reste à écrire. Des agences gouvernementales doivent maintenant concevoir les règles qui détermineront comment la loi s'appliquera à l'industrie et aux consommateurs. Des années de bras de fer en perspective.    

Comme la réforme de l'assurance maladie, cette Loi sur la réforme de Wall Street et la protection du consommateur est une solution de compromis. Les Démocrates sont allés jusqu'où ils ont pu, et refilé le reste du boulot à la SEC, la Fed et d'autres organismes qui restent à créer. Ce qui fait dire aux uns que les lobbyistes auront trop de marge de manoeuvre, et aux autres que les bureaucrates auront trop de pouvoir.

«À moins que votre modèle d'affaire ne consiste à tourner les coins ronds ou à escroquer vos clients, vous n'avez rien à craindre de la réforme», a rétorqué Obama mercredi. La réalité, à l'image de cette réforme, risque de se révéler pas mal plus complexe.

Déjà, les grandes agences de crédit comme Moody's interdisent aux émetteurs d'obligations de citer leurs cotes dans leurs prospectus, de peur d'être tenus responsables en vertu de la nouvelle loi. Le hic, c'est qu'une autre loi oblige ces émetteurs à publier les cotes de certains types d'obligations. Résultat: ces émissions-là sont en suspend, rapporte le Wall Street Journal.

On peut faire confiance aux milieux financiers pour trouver et monter en épingle d'autres exemples «d'incohérences» et «d'effets indésirables». Tous les moyens seront bons pour discréditer ce nouvel encadrement pour lequel ils n'ont jamais caché leur aversion.

La réforme n'empêchera pas l'éclatement de la prochaine bulle puisque celle-ci sera, comme chaque fois, différente des précédentes. Mais elle instaure des principes importants. Encadrement accru pour les banques. Plus de transparence dans le marché des dérivés. Obligation d'évaluer la capacité de payer avant d'accorder un prêt hypothécaire. Suivi des firmes en difficulté, jusqu'à leur liquidation si nécessaire, pour éviter d'avoir à les sauver avec l'argent des contribuables. Création d'un nouveau Bureau de la protection financière du consommateur, qui pourrait s'avérer très efficace si son patron a de la poigne.

«Si vous avez déjà fait une demande de carte de crédit, de prêt étudiant ou d'hypothèque, vous savez comment on se sent en signant des pages de petits caractères à peine compréhensibles», a fait valoir le président Obama. Mais voilà, la première contribution marquante de ce Bureau, un formulaire hypothécaire simplifié, ne sera pas prête avant deux ans. Et la loi contient des dizaines d'exemples du genre.

Au moins, chez Ikéa, on sait à quoi ressemblera le meuble avant de l'assembler. Dans le cas de la réforme financière américaine, par contre, il faudra attendre que tous les morceaux tombent en place pour avoir une idée de la solidité et de l'utilité réelles de l'objet.

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