Les multiples projets de loi fédéraux visant à garder les coupables plus longtemps derrière les barreaux vont coûter cher. Très cher. Combien? On aimerait le savoir. Parce que les chiffres fournis jusqu'ici laissent sérieusement à désirer.

Le directeur parlementaire du budget a donné l'alerte la semaine dernière. La Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, qui a mis fin au régime du «temps compte double» pour les jours passés en prison avant qu'une sentence ne soit rendue, coûtera près de cinq milliards sur cinq ans, a prévenu Kevin Page.

Et il s'agit d'une seule loi. Le gouvernement a plusieurs autres projets destinés à allonger le temps d'emprisonnement -abolir de la remise en liberté au sixième de la peine, par exemple.

La mise en oeuvre de la loi C-25, entrée en vigueur en février dernier, coûtera 2 milliards sur cinq ans, a répliqué le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews. Comment arrive-t-il à cette somme? Pourquoi diffère-t-elle autant du calcul de Kevin Page? Le ministre se borne à citer le Service correctionnel du Canada (SCC), sans fournir de détails.

Le directeur parlementaire, lui, n'a pas obtenu les données dont il avait besoin du SCC. Son rapport expose les hypothèses utilisées pour calculer le nombre de jours d'emprisonnement supplémentaires qu'entraînera l'abolition du temps compté en double. «Compte tenu de l'absence de détails (...) les lecteurs devraient faire preuve de prudence au moment d'utiliser les estimations», prévient-il.

On aimerait que le ministre de la Sécurité publique fasse preuve d'autant de transparence et nous dise sur quoi se fondent ses calculs. Peine perdue. Tout au plus a-t-il mentionné, en entrevue à la télé de CBC, des économies potentielles pour le système de justice. Un détenu qui se fait pincer pour récidive génère des coûts importants (police, procureurs de la Couronne, aide juridique, tribunaux, etc.), raisonne-t-il. Soit, mais encore? Quelle proportion des condamnés récidive rapidement? Combien coûtent-ils au système? Serait-il plus économique de les garder en prison? De combien? Encore là, le ministre Toews n'a pas donné de chiffres.

Beaucoup de Canadiens souhaitent que les condamnés passent plus de temps à l'ombre. Mais il y a une différence entre être d'accord sur un principe et signer un chèque en blanc. Si la facture s'avère démesurée, il faudra ajuster l'application de la loi. On ne peut pas attendre que les coûts explosent et que les prisons débordent -jusqu'à 13 prisons supplémentaires pourraient être nécessaires, a calculé Kevin Page.

«Nous voulons garder derrière les barreaux les récidivistes dangereux, et nous sommes prêts à en payer le prix», nous a-t-on indiqué au bureau de Vic Toews. Au contraire. En refusant de détailler le coût de ses réformes, son gouvernement évite d'en payer le prix politique. Et il condamne les Canadiens à ramasser la note, quel qu'en soit le montant.

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