Hydro-Québec n'investira pas au Nouveau-Brunswick, car elle n'y trouve plus son compte, a annoncé le gouvernement Charest hier matin. Le premier ministre néo-brunswickois Shawn Graham a beau répéter qu'il est déçu, il peut se compter chanceux. Il s'en sort la tête haute. L'opposition au projet était telle qu'on voit mal comment il aurait réussi à le faire passer. Politiciens qui envisagez de vendre des sociétés d'État, prenez des notes!

Samedi encore, quelque 2000 personnes sont descendues dans la rue à Fredericton pour réclamer l'abandon de cette transaction. Le tollé provoqué par son annonce, en octobre dernier, n'a jamais faibli. Même après la révision de l'entente, qui diminuait les actifs transférés à Hydro, et sa visibilité dans le paysage néo-brunswickois. Les opposants auraient bientôt eu accès à une tribune encore plus puissante: le projet de loi devait être déposé la semaine prochaine, donnant le coup d'envoi à une vaste consultation de plus de 30 jours. Tout cela à six mois des élections provinciales!

C'est pourquoi on a tant de mal à croire que ce soit Québec, et non le Nouveau-Brunswick, qui ait arrêté les frais. Hydro-Québec a d'ailleurs refusé de s'expliquer sur les réinvestissements plus élevés et les risques supplémentaires mentionnés dans le communiqué québécois. À cause des ententes de confidentialités, nous a-t-on dit.

Le Nouveau-Brunswick ne s'est pourtant pas gêné pour affirmer, en conférence de presse, qu'Hydro-Québec n'a pas l'expertise et l'expérience pour rénover un de ses barrages  Le site de Mactaquac, aux portes de Fredericton, suscite des préoccupations qu'Hydro n'a pas à la Baie-James, c'est vrai. Mais de là à penser, comme on l'a entendu hier matin, que la nécessité d'y contrôler les glaces et les inondations pose problème à la société d'État québécoise? Permettez-nous d'en douter.

Les deux partenaires ont beau jurer que l'opinion publique n'est pour rien dans l'échec de leur projet, l'importance de ce facteur est indéniable. S'ils avaient continué, ils s'y seraient butés à chaque instant.

Pourtant, s'il y a un acheteur qui aurait dû se douter qu'une population puisse tenir à son patrimoine, c'est bien le Québec. Comment a-t-on pu présumer que les Néo-Brunswickois accepteraient cet arrangement sans broncher? Une société comme Hydro-Québec aurait dû anticiper les critiques et préparer le terrain en conséquence. Pas y réagir après coup. Elle aurait aussi dû savoir que personne, dans les provinces atlantiques, n'a oublié ce qu'il en a coûté à Terre-Neuve de négocier avec elle.

C'est une leçon pour le fédéral et l'Ontario, qui envisagent tous deux de vendre des actifs de l'État pour renflouer leurs coffres. Ne jamais sous-estimer l'attachement et l'émotivité d'une population à l'égard des biens publics. Ne jamais ignorer son hostilité envers l'acquéreur. Ne jamais sous-évaluer la force de l'opinion publique, point.

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