Les accidents de la route ont causé 557 morts au Québec l'an dernier. Des décès causés par une foule de facteurs. Pour améliorer ce bilan, la ministre des Transports a choisi de cibler les conducteurs dont le taux d'alcool oscille entre 50 et 80 mg/100 ml de sang. Une solution facile, mais qui ne sera pas d'une grande efficacité.

Les chercheurs considèrent qu'un chauffeur dont le taux d'alcoolémie oscille entre 0,05 à 0,08 court un risque d'accident plus élevé que s'il était à jeun, car ses capacités sont affectées. Soit. Mais si on commence à s'intéresser aux facteurs qui nuisent à la conduite, on va en trouver un bel assortiment. La fatigue. Les médicaments et les drogues. Les distractions de toutes sortes, y compris les systèmes mains libres, qui ne réduisent en rien le risque d'utiliser un cellulaire. En réprimant uniquement l'alcoolémie de 0,05 à 0,08, on ignore tous les autres facteurs. Ça ne les empêchera pas de causer des accidents.

 

Un grand nombre de pays, et toutes les provinces canadiennes, ont déjà réduit leur seuil de tolérance à 0,05. Avec quels résultats? Plusieurs études ont constaté des progrès après de tels resserrements. Le hic, c'est qu'il est impossible d'en attribuer le mérite aux seuls changements législatifs: une foule d'éléments incitent les conducteurs à boire moins, ou pas du tout. Les campagnes de sensibilisation. La réprobation des pairs. Le risque d'arrestation perçu. La réduction du seuil de tolérance n'aura, au mieux, qu'un impact très limité sur les comportements. Pour que les automobilistes s'ajustent à ce changement, il faudra y consacrer beaucoup de ressources. Le publiciser de façon soutenue et, surtout, multiplier les opérations policières.

Combien de drames seront ainsi évités? La ministre Julie Boulet affirme pouvoir sauver environ 45 vies par an. Le problème, c'est que les informations pour évaluer les bénéfices potentiels de la mesure nous manquent cruellement. Québec l'a pourtant dans sa ligne de mire depuis des années. Pourquoi n'en a-t-on pas profité pour documenter l'alcoolémie des chauffeurs à l'origine d'accidents graves? On aurait su combien d'entre eux étaient dans la zone que l'on veut cibler.

La seule donnée éclairante dont on dispose, c'est l'alcoolémie des conducteurs décédés sur nos routes au cours des dernières années. Combien avaient entre 0,05 à 0,08? Moins de 3%. Au-dessus de 0,08? Plus de 30%. Dont 22% au-dessus de 0,15. Comme on le voit, il reste énormément de travail à faire dans le cadre juridique actuel. Le potentiel de sauver des vies y est 10 fois plus grand que chez cette nouvelle classe de délinquants qu'on essaie de créer!

Fait à souligner: 60% de ces automobilistes qui sont morts n'avaient aucune trace d'alcool dans le sang. Pour éviter ces décès-là, il faudrait s'intéresser à une foule d'autres facteurs. Y compris aux transports en commun qui, s'ils avaient été adéquats, auraient pu leur éviter de prendre leur auto ce jour-là. Malheureusement pour eux, c'est moins simple que 0,05.

akrol@lapresse.ca

 

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