Cette semaine, nous avons eu Stevens Demers au Québec et Garth Drabinsky à Toronto. Et récemment Vincent Lacroix, déjà sorti de prison. Bientôt Earl Jones? C'est simple: chaque fois qu'un escroc présumé ou avéré fait face à la justice ici, on a l'impression que les victimes se font avoir une deuxième fois tant la punition est légère. Surtout quand on se compare aux États-Unis.

La peine de 150 ans infligée au fraudeur Bernard Madoff suscite littéralement l'envie chez nous. D'autant qu'avec l'obligation de purger au moins 85% de sa peine, il est assuré de mourir en prison. Mais si vous croyez que les gens qu'il a dépouillés se sentent mieux, détrompez-vous. La vérité, c'est que le système judiciaire, aussi sévère soit-il, ne peut pas grand-chose pour les victimes de fraude. Comme l'a si bien résumé une ex-cliente de Madoff: «Tant que nous ne récupérerons pas notre argent, il n'y aura pas de justice.» Et ça, malheureusement, c'est rarement possible.

 

Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas améliorer notre système. De sérieuses remises en question s'imposent. Ces révoltantes libérations au sixième de la peine, par exemple. Et cet entêtement à considérer les crimes économiques comme non violents. Songez à tous ces aînés contraints, au péril de leur santé, de retourner travailler après avoir été ruinés - de véritables travaux forcés. Si ce n'est pas de la violence physique, on se demande ce que c'est.

Cela étant, il faut regarder la réalité en face. Et admettre que ce n'est pas ce qui effacera le sentiment d'injustice ressenti par les victimes. On le voit bien aux États-Unis avec l'affaire Madoff. Dans certains cas, même la perspective de récupérer l'argent perdu ne suffit pas à panser les plaies. Le fiduciaire calcule en effet la «valeur nette», soit le montant que le client a investi moins les sommes qu'il a retirées au fil des ans. Les épargnants admissibles au fonds d'indemnisation géré par le gouvernement pourront ainsi ravoir jusqu'à un demi-million. Ceux qui avaient investi seulement quelques centaines de milliers de dollars pourront donc retrouver tout l'argent perdu. Pourtant, certains ne sont pas satisfaits. Ils réclament les sommes inscrites sur leurs relevés. Un calcul erroné, fondé sur des rendements fictifs. Mais qui reflète un fait incontestable: cette fraude les a dépouillés de tout rendement. Une autre injustice irréparable.

Il faut continuer de parler des malheurs des victimes de fraudes. Mais pas seulement pour faire pressions sur les pouvoirs publics. Pour que tous les épargnants prennent conscience des risques auxquels ils s'exposent s'ils confient leur argent à la mauvaise personne.

C'est vrai, le piège est parfois impossible à détecter. Dans bien des cas, par contre, il est évitable. N'oublions pas que de nombreux investisseurs ont refusé de mordre à l'hameçon d'Earl Jones, de Madoff ou de Stevens Demers.

Il ne s'agit pas de blâmer les victimes. Seulement, il faut réaliser que ce n'est pas seulement le système judiciaire qui a besoin d'être renforcé. La méfiance des investisseurs aussi. Car ceux qui ont perdu leur argent peuvent en témoigner: tout ce qui reste au terme d'une fraude, c'est un cuisant sentiment d'injustice. Et ça, aucune sentence n'y pourra rien changer.

 

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