Le baril de brut à 225$? L'essence à 2,25$ le litre? Dès 2012, affirme l'économiste canadien Jeff Rubin. L'avenir nous dira s'il a vu juste. Quoi qu'il en soit, il est grand temps de commencer à réfléchir sur l'après-pétrole.

La thèse du pic pétrolier (peak oil) n'est pas neuve. Et elle compte plus que sa part de sceptiques. Mais l'essai que vient de publier Jeff Rubin, Why Your World Is About to Get a Whole Lot Smaller, lui donne une visibilité nouvelle. D'autant que l'auteur, qui était jusqu'à tout récemment économiste en chef de Marchés mondiaux CIBC, a mis toute sa crédibilité dans la balance.

 

Jeff Rubin n'annonce pas la fin du pétrole, mais la fin du pétrole à bon marché. Parce qu'il est convaincu qu'après avoir atteint un sommet (certains croient que c'est déjà fait), la production va se mettre à décroître rapidement. On aura beau argumenter sur la plausibilité de ce scénario, seuls les faits pourront trancher.

De toute façon, il n'est pas nécessaire d'adhérer à la thèse du pic pétrolier pour constater à quel point notre mode de vie est lié à cette énergie non renouvelable. Quelqu'un a-t-il oublié le choc du baril à 147$ l'été dernier? On ne l'a pas seulement ressenti à la pompe, mais à l'achat d'une foule d'autres produits et de services. À 147$, les consommateurs ne se contentent pas de se défouler sur les lignes ouvertes. Ils modifient leurs projets de voyage et se demandent comment aller travailler sans voiture.

La reprise va ramener les cours au-dessus de 100$ le baril, affirme l'économiste canadien. Que cette prévision nous plaise ou non, on peut difficilement la qualifier de farfelue. Il n'y a qu'à voir la remontée des dernières semaines, en pleine récession. Et il faut une solide dose de pensée magique pour croire que d'autres énergies et d'autres technologies sont prêtes à prendre la relève immédiatement, sans coût supplémentaire et en quantité suffisante. Certains individus peuvent se payer des solutions alternatives, comme des voitures électriques. Certaines régions disposent d'autres sources d'énergie. Mais le pétrole entre dans la production et le transport de tellement de biens, incluant les denrées agricoles, que son coût aura forcément un impact sur celui de nos achats. À partir d'un certain seuil, il faut s'attendre à voir des changements de comportements.

Ces changements ne seront sûrement pas aussi dramatiques que le décrit l'auteur, en tout cas pas à si court terme. Le rationnement qu'il dépeint est tel qu'on dirait un état de guerre perpétuel, bombardements en moins. À l'inverse. les parallèles qu'il trace avec l'Europe, où l'essence est déjà beaucoup plus chère qu'ici, nous semblent un peu trop optimistes.

L'Amérique du Nord est très mal préparée à affronter une flambée des prix du brut. Si un automobiliste sur cinq se tournait vers le transport en commun demain matin, nous aurions de sérieux problèmes. Les réseaux des grands centres sont saturés et ceux de l'extérieur, sous-développés. Le service interurbain ne vaut pas mieux. Et le transport n'est qu'un exemple. Pourtant, nous continuons à développer nos milieux de vie comme si le pétrole allait demeurer bon marché durant au moins 25 ou 30 ans. C'est loin d'être assuré. Qu'attendons-nous pour en tenir compte?

akrol@lapresse.ca

 

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