La Protectrice du citoyen a fait du bon boulot. Son rapport sur la crise québécoise de la listériose est, de loin, le bilan le plus complet qui ait été publié sur ce lamentable épisode. Serons-nous assez intelligents pour en intégrer les leçons?

Ça ne fait pas plaisir au secteur des fromages artisanaux, mais Raymonde Saint-Germain est catégorique. La spectaculaire descente du ministère de l'Agriculture (MAPAQ) était justifiée. La destruction des 27 000 kg de fromage saisis dans plus de 300 commerces aussi. Le nombre de cas de listériose augmentait rapidement et l'éclosion était hors de contrôle. Il fallait que le public arrête d'acheter des aliments potentiellement contaminés.

 

Cela dit, le MAPAQ a commis sa part d'erreurs. Pendant les premières semaines qui ont suivi l'annonce de l'éclosion, le ministère a identifié publiquement deux fromageries dont des produits avaient été trouvés porteurs de la bactérie Listeria monocytogenes. Sauf qu'on s'est basé uniquement sur des morceaux coupés en magasin, sans avoir vérifié si les meules intactes étaient contaminées. On saura plus tard qu'elles ne l'étaient pas, pas plus que les usines qui les avaient produites. Le problème ne venait donc pas des fabricants de ces fromages, mais de la contamination croisée avec d'autres produits en magasin. En plus de ternir la réputation de deux entreprises qui n'avaient rien à se reprocher, on a privé le public d'une information importante. Car en présence de contamination croisée, tous les autres fromages coupés dans les mêmes commerces étaient potentiellement dangereux.

Il faut, comme le recommande Mme Saint-Germain, compenser ces deux artisans pour le préjudice qu'ils ont subi. Le ministre Lessard s'y est catégoriquement refusé hier, sous prétexte que le MAPAQ n'est pas à l'origine de la bactérie. Quelle absurdité! Ce n'est quand même pas la bactérie qui a diffusé les communiqués de presse incriminant à tort les deux fabricants! Que Québec paye pour les torts qu'il a causés: ça l'incitera peut-être à plus de doigté à l'avenir...

La protectrice demande aussi au ministère de la Santé d'améliorer la prévention auprès des groupes à risque. On ne saurait trop insister sur cette recommandation. Sur les 38 cas de listériose rencensés lors de cette crise, près des deux tiers étaient des femmes enceintes, des nouveau-nés ou des personnes de plus de 75 ans. Les décès? Deux victimes de plus de 70 ans, deux enfants morts-nés et un décès néo-natal précoce. Autant de gens qui auraient dû se tenir loin du fromage de lait cru... et des viandes froides comme celles de Maple Leaf. Parce que ce sont des aliments plus susceptibles d'être porteurs de la fâcheuse bactérie L. monocytogenes, à laquelle ils sont très vulnérables. Comme toutes les personnes dont le système immunitaire est affaibli, d'ailleurs. Le savent-elles? On peut en douter. Cette information est très mal diffusée. Il faut que ça change, car la listéria est une bactérie omniprésente dans l'environnement, qu'aucun contrôle ne parviendra jamais à éliminer de la chaîne alimentaire. La prévention commence en usine, mais elle doit se poursuivre dans les cuisines.

 

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