Voulez-vous des timbres plus chers? Un facteur qui passe moins souvent? Moins de bureaux de poste? Il faudra peut-être en arriver là, indique un rapport indépendant commandé par Ottawa.

L'équilibre financier du service de courrier est précaire, révèle le comité piloté par Robert Campbell, spécialiste des questions postales. Son rapport publié jeudi est passé presque inaperçu. Il est pourtant urgent de s'y intéresser. Car ses recommandations risquent de bouleverser un service que nous tenons pour acquis.

 

Le modèle économique de Postes Canada s'effiloche. La société d'État a le monopole du «poste-lettres», ce qui lui permet d'offrir le service au même coût partout au pays. Mais c'est de moins en moins rentable. Il y a 200 000 adresses de plus à desservir chaque année, mais chacune génère de moins en moins de revenus. En 2007, chaque foyer a reçu 373 articles de courrier en moyenne, contre 395 quatre ans plus tôt. On prévoit une érosion annuelle de 1% pour les cinq prochaines années.

Ça tombe mal, parce que la Société a besoin de faire des investissements majeurs. Trois milliards en sept ans, calcule la direction. Le réseau, les installations, l'équipement de tri et la technologie de l'information sont désuets en majeure partie, confirme le rapport. Tellement qu'on a parfois du mal à trouver des pièces de rechange.

La suggestion la plus audacieuse du comité? Réduire la fréquence de livraison. Les employés travailleraient du lundi au vendredi mais, en certains endroits, le facteur passerait seulement trois fois par semaine. Une solution choc qui mérite néanmoins d'être examinée. Il y a longtemps que les communications urgentes ne transitent plus par la poste ordinaire. Et la plupart des enveloppes qui atterrissent dans nos boîtes à lettres pourraient arriver deux jours plus tard sans que personne n'en souffre.

Le rapport parle aussi d'augmenter le prix du timbre de base de 5 à 7 cents au cours des deux prochaines années et d'imposer ensuite une majoration annuelle fixe. Personne ne s'en réjouira, mais on aurait tort de crier au vol. Depuis plus de 10 ans, les augmentations de tarifs sont limitées aux deux tiers de la hausse de l'IPC (indice des prix à la consommation). Une décision irresponsable, déconnectée de la réalité et qui fausse les perceptions de la population. Les Canadiens paient beaucoup moins cher que les Français, les Italiens, les Allemands ou les Japonais pour envoyer une lettre à l'intérieur de leurs frontières, alors que le territoire est beaucoup plus vaste et la population beaucoup moins dense.

Il est aussi grand temps de dépoussiérer le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux, décrété il y a 15 ans. Pas pour éliminer les services en région, mais pour arrêter de protéger des zones depuis longtemps sorties de l'isolement rural comme Moncton... ou Boucherville.

La Société canadienne des postes a par ailleurs présenté un plan très ambitieux au comité. Il faudra l'examiner avec un oeil critique. Déjà, les PME et les grandes entreprises se plaignent de ses services «accélérés» ou «améliorés», plus coûteux et qui ne les intéressent pas. Les investissements futurs devront répondre aux besoins réels de la clientèle, et non aux idéaux de la direction.

 

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