Chrysler arrive aujourd'hui au terme de son sursis. Si le constructeur ne parvient pas à arracher les concessions nécessaires de ses créanciers, il devra compléter sa restructuration dans le cadre plus contraignant de la loi sur les faillites. Dans un cas comme dans l'autre, l'entreprise qui en résultera ne sera plus que l'ombre d'elle-même.

La menace d'une faillite, confirmée le mois dernier par Barack Obama, a porté fruit. Les syndicats ont fait des concessions importantes. Plusieurs gros débiteurs ont accepté d'effacer leur ardoise en échange de sommes forfaitaires. Fiat est prête à signer un partenariat historique. Pourtant, malgré les progrès remarquables accomplis au cours des derniers jours, la possibilité d'une faillite n'était pas toujours pas écartée, hier en début de soirée. Chrysler doit rallier près d'une cinquantaine de créanciers et apparemment, certains résistent encore.

 

Chose certaine, l'entreprise qui émergera de ce processus n'aura plus grand-chose à voir avec le géant industriel qui a marqué l'histoire économique nord-américaine. Le syndicat deviendrait le principal actionnaire avec une participation de 55%. Le constructeur italien occuperait le second rang avec une part pouvant aller jusqu'à 35% - elle serait initialement de 20%. Les contribuables et les autres créanciers détiendraient les 10% restants. On ignore encore comment les sièges seront répartis au conseil d'administration, mais on sait déjà que le syndicat, malgré son poids économique, ne contrôlera pas la compagnie. N'empêche, la situation ne manque pas d'ironie. Comme le faisait remarquer un chroniqueur du Wall Street Journal hier, Chrysler deviendrait, de facto, une filiale des United Auto Workers (UAW). Tout un changement de perspective!

Le puissant syndicat américain de l'automobile ne sera pas le premier à réchapper son employeur en déroute. Ron Bloom, le stratège de l'équipe créée par Obama pour sortir l'industrie automobile de l'impasse, a piloté des opérations du genre dans plusieurs aciéries américaines. Mais les UAW, eux, ne rêvaient pas de s'asseoir de l'autre côté de la table des négociations. S'ils acceptent de le faire, c'est parce qu'ils ont encore plus à perdre en laissant Chrysler tomber en faillite sans avoir conclu d'accord préalable. Dans les circonstances, ils s'en tirent honorablement. Mais qu'arrivera-t-il si la réorganisation orchestrée par Fiat ne fonctionne pas et qu'il faut, dans un an ou deux, demander de nouveaux sacrifices aux travailleurs? Le syndicat sera mal placé pour crier à l'exploitation et dénoncer la voracité des actionnaires...

Les négociations menées avec les employés, les créanciers, les fournisseurs et les concessionnaires de Chrysler et de GM permettront d'éviter le chaos de faillites désordonnées. Mais le résultat sera quand même extraordinairement douloureux. Des dizaines de milliers d'Américains et de Canadiens vont perdre leur emploi en usine et en magasin. Un grand nombre d'entre eux n'en retrouveront pas d'équivalent, et des centaines de municipalités en seront gravement affectées. On a sauvé ces deux grands de la disparition, mais c'est tout un monde qui disparaît dans cette opération de sauvetage.

akrol@lapresse.ca

 

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