Vous connaissez le vieil adage. Si vous devez 1000$ à votre banque, vous avez un problème. Si vous lui devez un million, c'est la banque qui a un problème. La Chine, qui est devenue le banquier des États-Unis, a un gros problème. Elle redoute une dépréciation du dollar américain, qui ferait fondre ses économies. C'est pourquoi elle réclame la création d'une nouvelle monnaie de réserve en remplacement du dollar.

«De quelle sorte de monnaie de réserve internationale avons-nous besoin pour favoriser la stabilité financière et la croissance mondiales?» demande le gouverneur de la banque centrale chinoise dans un texte publié lundi. Actuellement, c'est la devise américaine qui joue ce rôle de monnaie de réserve. Diplomatie oblige, le plaidoyer pour la déboulonner ne la nomme pas une seule fois. Mais l'intention est claire. À une semaine du sommet du G20, les Chinois placent leurs pions.

 

La Chine est le plus gros détenteur de bons du Trésor et d'autres titres de dette du gouvernement américain. Le premier ministre Wen Jiabao l'a avoué récemment: il est inquiet que les politiques économiques du gouvernement Obama fassent perdre de la valeur à ces actifs.

La banque centrale chinoise propose donc de remplacer le dollar américain par un instrument qui n'est lié à aucun pays: les droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international, dont la valeur est déterminée à partir d'un panier de monnaies. Mais la création d'une nouvelle monnaie de réserve est une question complexe qui ne se réglera pas sur le coin d'une nappe. D'autant que les DTS ne s'imposeront pas d'eux-mêmes. Pour l'instant, leur usage est assez confidentiel puisqu'ils servent surtout d'unité de compte au FMI et dans quelques organismes internationaux. Et ce ne sont pas les États-Unis qui vont en faire la promotion, au contraire: ils n'ont aucune envie de voir leur dollar détrôné.

N'empêche, la Chine a bien joué son jeu. Elle braque les projecteurs sur la devise américaine, alors que d'ordinaire, dans ce genre de forum international, ce sont plutôt ses propres politiques monétaires qui font l'objet de critique. Et elle met de la pression sur le gouvernement américain en lui rappelant à quel point il est son débiteur. Évidemment, Pékin n'a aucun intérêt à faire un coup de force et à liquider ses bons du Trésor américain. Mais Washington aussi doit rester en bons termes avec son banquier. Car s'il ne veut plus lui acheter ses titres de dette, il lui en coûtera pas mal plus cher pour financer les prochaines étapes de son plan de relance.

Finalement, les Chinois ont bien intégré les préceptes de Rahm Emmanuel, le directeur de cabinet de Barack Obama: une crise grave est une occasion en or qu'il ne faut pas laisser passer, car elle permet de faire des choses qui auraient été impossibles dans d'autres circonstances. La réforme du système monétaire international n'est pas pour demain, mais si jamais elle aboutit, elle devra tenir compte des priorités de la Chine.

akrol@lapresse.ca

 

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