La décision américaine d'acheter uniquement de l'acier local pour les travaux financés par le plan de relance a jeté une ombre sur le Forum économique mondial de Davos. Le protectionnisme est la pire attitude à adopter lorsque l'économie mondiale se contracte. Mais avec les centaines de milliards de fonds publics que les gouvernements s'apprêtent à investir dans leurs infrastructures, la tentation est plus grande que jamais.

«Quand on utilise l'argent des contribuables, on devrait soutenir ce qui se produit chez soi.» Ce raisonnement défendu par le sénateur Byron Dorgan, du Dakota-du-Nord, résume bien l'état d'esprit qui règne en ce moment. Le sénateur Dorgan est l'auteur de la fameuse clause Buy American insérée dans le projet de loi qui doit être débattu au Sénat cette semaine. La Chambre des représentants a adopté une disposition semblable la semaine dernière. Dans les deux cas, on exige que les projets d'infrastructures destinés à relancer l'économie américaine utilisent uniquement de l'acier et du fer des États-Unis.

 

Ce calcul simpliste pourrait nous coûter cher. L'industrie canadienne de l'acier a enregistré près de 11 milliards de ventes aux États-Unis en 2007. Un tel geste risque aussi de déclencher une surenchère de mesures protectionnistes ailleurs dans le monde, ce qui compromettrait sérieusement la reprise.

Malheureusement, le point de vue populiste du sénateur Dorgan ne manque pas de défenseurs. «Le protectionnisme est un mal nécessaire», a laissé entendre la ministre française de l'Économie. Quant au vice-président américain, Joe Biden, il ne considère même que le Buy American comme une mesure protectionniste!

Même le Canada, où tant d'emplois dépendent des exportations, n'est pas immunisé. On n'a qu'à penser à la récente qui s'est élevée récemment lorsque l'armée canadienne a confié un contrat à un constructeur américain. La FTQ a exigé que le contrat soit revu pour que les camions puissent être fabriqués par Paccar, à Sainte-Thérèse. En Ontario, on réclame plutôt qu'ils soient fabriqués à Chatham, dans l'usine de Navistar, l'entreprise américaine qui a remporté l'appel d'offres. Qui se qualifie le mieux comme fournisseur local? Celui qui se trouve le plus près d'Ottawa? On peut aller très loin dans cette direction, mais on aboutira toujours dans un cul-de-sac.

Il est heureux que le gouvernement Harper n'ait pas cédé au chantage. Déchirer un contrat de 274 millions déjà accordé à un partenaire commercial, puis lui demander de nous acheter des milliards de dollars d'acier, ça ne fait pas très sérieux. Le Canada ne peut pas se permettre ce double discours.

Heureusement, la stratégie Buy American a beaucoup de détracteurs aux États-Unis. Comme l'a rappelé hier le New York Times, l'acier qui a servi à construire le pont qui relie San Francisco à Oakland a coûté 400 millions de plus à cause de ce genre d'exigence. Et ce n'est qu'un exemple.

Les contribuables en auront pour des dizaines d'années à rembourser les chantiers de la relance. Le moins que les gouvernements puissent faire, c'est de privilégier les fournisseurs qui offrent le meilleur rapport qualité-prix. Quelle que soit leur origine.

 

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion