Le refroidissement économique qui frappe le Canada est là pour durer. Le prévisionniste en chef du magazine The Economist, Robert Ward, ne s'attend à aucun redoux avant l'an prochain. Et encore, cette reprise serait tellement tiède qu'elle ne se fera pas sentir avant 2011. Ne rangez pas vos tuques!

Ça fait au moins un an que des économistes le répètent: il n'y aura pas de reprise possible avant que le marché immobilier américain ne commence à remonter, ce qui ne se produira pas avant la fin de 2009. D'ici là, la situation continuera à se détériorer. Conséquence concrète? Un flot quasi ininterrompu de mauvaises nouvelles - suppressions d'emplois, industries en difficulté, baisses des ventes au détail, détérioration du marché immobilier, etc. Bref, ce qu'on voit aujourd'hui et qui nous attend au cours des prochains mois.

Hélas! nos politiciens tardent à prendre acte de cette réalité. L'exemple le plus ridicule reste celui de Stephen Harper, refusant de prononcer le mot récession en campagne électorale. Comme si le déni pouvait protéger le Canada d'une crise mondiale née à nos portes, chez le voisin américain qui achète les trois quarts de nos exportations. La réaction des partis de l'opposition au budget n'est pas plus édifiante. À les entendre, chacun sait exactement quelle combinaison de mesures appliquer pour sortir le pays de la récession - une recette évidemment différente de celle des conservateurs.

C'est leurrer la population que de prétendre détenir un tel pouvoir. Oui, l'État doit générer de l'activité économique pour compenser un peu le repli du secteur privé. Mais il ne peut pas ressusciter la demande mondiale pour nos matières premières, pas plus qu'il ne peut empêcher des multinationales de sabrer dans leurs filiales canadiennes.

Le prévisionniste Robert Ward s'est montré beaucoup plus réaliste lors de son passage à Québec cette semaine. Si les plans de relance entrepris aux États-Unis, en Chine et ailleurs fonctionnent, l'économie cessera de se détériorer à l'automne et stagnera durant les trois derniers mois de l'année. La croissance qui se manifestera en 2010 sera fragile et à peine perceptible. La vraie reprise ne viendra qu'en 2011.

Ce scénario paraît plus crédible que celui de la Banque du Canada, qui annonçait récemment un bond du PIB réel de 3,8% dès l'an prochain. Et M. Ward n'est pas le premier à annoncer une sortie de récession plus poussive qu'à l'accoutumée. Il se montre toutefois compréhensif envers les politiciens et les banques centrales qui, selon lui, doivent éviter de miner la confiance.

Pourtant, réalisme et confiance ne sont pas incompatibles. Au contraire. Une population prévenue de la durée et de la gravité de la récession a plus de chances de garder son calme devant l'accumulation de mauvaises nouvelles. Les travailleurs auront le réflexe de se préparer à un éventuel coup dur, en réfléchissant à leur stratégie professionnelle et en se constituant un coussin financier.

En ces temps difficiles, il est beaucoup plus stimulant d'entendre un leader comme Barack Obama, qui reconnaît la gravité de la situation mais adopte un discours mobilisateur, qu'un politicien faussement rassurant qui feindra la surprise en voyant la situation se détériorer.

akrol@lapresse.ca

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