Le béton, l'acier et l'asphalte seront les grandes vedettes du budget fédéral de mardi. Mais la dernière fois qu'Ottawa a voulu stimuler l'économie à coups de pelle, il a tellement mal suivi ses projets qu'on n'a jamais pu en mesurer les retombées avec certitude. Le gouvernement Harper a intérêt à y voir avant de flamber l'argent des contribuables.

En 1994, le gouvernement Chrétien lance un vaste programme d'infrastructures. Cinq ans et 7,3 milliards de dollars plus tard, le vérificateur général rend un verdict accablant. Critères de sélection mal définis, reddition de compte insuffisante, création d'emplois difficile à évaluer... On ne saura jamais si les fonds ont été dépensés aux bons endroits, ni s'ils ont donné les résultats escomptés.

 

Le secrétariat du Conseil du Trésor a juré que les résultats avaient été «couronnés de succès», notamment parce que le programme avait permis d'améliorer les relations entre le fédéral, le provincial et le municipal. Encore heureux: Ottawa a mis 2,4 milliards sur la table et les autres paliers, 4,9 milliards. Si on n'avait pas réussi à huiler les rapports avec ça, on se demande ce qui aurait pu y parvenir.

Est-ce pour cette raison que le fédéral s'est montré si coulant? Le programme «repose essentiellement sur la confiance» et la reddition de comptes laisse à désirer, notait le vérificateur en 1999. Souhaitons que l'argent de nos impôts soit géré avec plus de rigueur cette fois-ci.

Plus de 17 000 projets ont vu le jour grâce à Travaux d'infrastructure Canada (TIC). Malheureusement, la définition du terme infrastructure était tellement large qu'elle pouvait englober à peu près n'importe quoi. Le programme a notamment subventionné l'achat de tables de pique-nique, l'installation de fibre optique pour une compagnie téléphonique et l'excavation d'un lac artificiel pour un centre de plein air privé. Quant à la création d'emplois, elle n'a jamais été évaluée avec assez de précision pour qu'on sache la durée des postes créés, ni même si le chiffre de 128 000 avancé par le gouvernement était exact.

Le gouvernement Harper n'aura pas de problème à trouver des projets, ni même des projets utiles. Les besoins en infrastructure excèdent largement les fonds qu'il pourrait y consacrer. Le défi sera plutôt dans l'attribution. Pour que ces milliards de fonds publics profitent vraiment à l'économie canadienne, il faudra financer des projets dont les retombées ont fait l'objet d'une évaluation rigoureuse, et qui sont prêts à démarrer rapidement. Les emplois créés durant la construction ne peuvent pas être le seul critère. Les infrastructures retenues devront avoir un impact réel sur la prospérité future de leur région. Bref, ce n'est pas le moment d'investir dans les stations de ski les plus vulnérables au réchauffement climatique!

Pressés par la crise et les partis de l'opposition, les conservateurs ont accepté un contre-emploi: celui du gouvernement qui investit massivement dans l'économie. Le budget de mardi n'est qu'une répétition. Le moment de vérité viendra au cours des prochains mois, au moment d'allouer ces milliards. Si Stephen Harper veut rester sur le devant de la scène, il devra se montrer à la hauteur de son nouveau rôle.





 

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