Le ralentissement économique mondial qui s'amorce contribuera-t-il à réduire les émissions de gaz à effets de serre? Ou servira-t-il de prétexte pour oublier la lutte contre les changements climatiques? C'est le moment où jamais d'investir dans des mesures qui permettront à l'économie de redémarrer sur des bases durables.

L'Europe ne s'est pas gênée pour faire la leçon à l'Amérique du Nord au cours des dernières années. Refuser des cibles trop exigeantes pour ne pas nuire à la croissance? Quel manque de vision! Sauf qu'aujourd'hui, la belle façade commence à se lézarder. Plusieurs membres de l'Union européenne cherchent désormais à diluer les objectifs qui leur ont été fixés. Voilà qui n'annonce rien de bon pour la conférence des Nations unies sur le climat en décembre.

Si les 25 ne sont même plus capables de s'entendre entre eux, il sera très difficile de promouvoir un accord élargi. D'autant que la rébellion n'est pas limitée aux pays de l'ancien bloc de l'Est. L'Italie s'y est bruyamment associée, et par la bouche de sa ministre de l'Environnement encore! Les mesures actuelles sont intenables, il faut des changements significatifs, a déclaré Stefania Prestigiacomo ce week-end.

Le réchauffement n'est pas moins grave qu'il y a six mois, lorsque le monde s'affolait devant les images d'ours polaires menacés par la fonte de leur banquise. Mais les expressions-chocs comme désastre ou fin du monde sont désormais utilisées pour parler de l'économie, et non de la planète. Il devient tentant de tout subordonner à cette nouvelle crise.

Ce serait vraiment la pire chose à faire. Oui, la croissance chinoise commence à s'essouffler et la récession risque de freiner la production manufacturière ailleurs en Asie. Les émissions vont peut-être diminuer un peu, c'est vrai. Il serait toutefois irresponsable de se reposer là-dessus. D'abord, parce que ce sera insuffisant. Et surtout, parce que ça ne règle rien. Si nous ne profitons pas du répit qui nous est imposé pour revoir nos habitudes de consommation énergétique, la reprise sera aussi désastreuse pour l'environnement que la prospérité que nous venons connaître.

Pour plusieurs écologistes, la cause est entendue: la croissance a des effets si destructeurs qu'il faudrait y renoncer une fois pour toutes. Nous refusons cette vision défaitiste. On fait voler des avions avec moins de carburant et on fabrique des voitures avec moins de métal que jamais. Et on ne serait pas capable d'assurer la prospérité sans pourrir la planète? Si nos ancêtres avaient eu si peu d'ambition, on mourrait encore à 30 ans.

Encore faut-il avoir la prétention de faire mieux. En ce moment, tout le monde demande aux gouvernements d'intervenir pour faire contrepoids au marasme économique. Mais ce n'est pas en déversant de l'argent sur les régions sinistrées qu'on fera rouvrir les usines délocalisées ou repartir la production de matières premières dépréciées. Il serait beaucoup plus judicieux d'investir dans des technologies vertes qui permettront aux industries de réduire leur consommation d'énergie, de valoriser les déchets et de développer une expertise exportable, tout en créant des emplois de qualité.

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