Comme des gamins frondeurs encouragés par les cris de leurs camarades, 228 membres du Congrès américain ont refusé de faire ce qu'on attendait d'eux hier, bloquant le plan censé rescaper l'industrie financière. La potion, il faut le reconnaître, est particulièrement amère. Mais ils n'auront pas le choix de l'avaler.

Si ces représentants pensaient avoir subi de la pression de la part de leurs électeurs, ils n'ont encore rien vu. Désormais, ils ne la sentiront plus seulement en prenant leurs appels ou leur courriel, mais en regardant les nouvelles, 24 h sur 24. Partout, le même message tourne en boucle : si le Congrès n'adopte pas ce fichu plan au plus vite, c'est toute l'économie américaine qui risque de s'écraser. Et cette fois, ce ne sont plus seulement des économistes et un président en perte de crédibilité qui le leur disent. Ce sont les confrères du même côté de la Chambre, comme les quatre représentants de l'Arkansas, qui ont voté en faveur du plan même si le geste leur répugnait au plus haut point. Ils ont compris, eux, que le remède était moins pire que le mal.

Les marchés ont fourni un argument de taille en prenant une raclée historique - l'indice S&P 500 a chuté de presque 9 % durant la journée, du jamais vu depuis octobre 1987. Cela fait des mois que les médias parlent de la crise de crédit et des problèmes du secteur financier qui risquent de contaminer le reste de l'économie. De toute évidence, beaucoup d'Américains n'ont pas encore compris ce qui se passe. Ou alors leur colère les aveugle. C'est pourquoi ils ont harcelé leurs élus, afin qu'ils rejettent ce coûteux plan financé à même leurs impôts. Et ça a marché. Pour l'instant. Si autant d'Américains sont prêts à laisser couler les financiers, c'est qu'ils ne voient aucun lien entre leur existence et la leur. Avec les délires dont on a été témoin sur Wall Street depuis quelques années, ce n'est pas étonnant. Hélas ! les risques de contagion sont bien réels.

C'est ce que les défenseurs du plan de sauvetage se sont efforcés de faire comprendre hier, en des termes simples et compréhensibles de tous. Exit la « crise financière mondiale » ou « le risque d'implosion des marchés », parlons des vraies affaires. Si le Congrès ne change pas d'idée rapidement, le crédit pourrait se raréfier à un point tel que les consommateurs ne réussiront plus à obtenir un prêt pour s'acheter une auto ou financer les études de leurs enfants. Pires, les PME n'auront plus d'argent pour investir ou même payer leurs employés. Est-ce assez concret à votre goût ?

Ces exemples-là étaient sur toutes les lèvres hier soir. Convaincront-ils les représentants et, surtout, leur électorat, de la gravité de la situation ? Il faut le souhaiter. Même s'ils retournent à la planche à dessin, comme certains l'ont suggéré, ils n'y trouveront pas de formule magique. Injecter 700 milliards de fonds publics dans le secteur financier ? La potion est infâme, même pour un démocrate. Mais dans les circonstances, il n'y a qu'une chose à faire : se pincer le nez et avaler.

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