L'alerte à la listériose lancée la semaine dernière s'amplifie de jour en jour. Le message de Maple Leaf se veut rassurant, mais il ne passe pas toujours parfaitement.

Dans ce genre de crise, la réponse initiale est déterminante. Perrier l'a appris à ses dépens en 1990 lorsque des traces de benzène ont été détectées dans son eau minérale. Si elle avait pris le problème au sérieux dès le départ au lieu de tenter de le minimiser, sa crédibilité et ses ventes auraient beaucoup moins souffert. À l'inverse, la société pharmaceutique Johnson & Johnson a tellement bien réagi en 1982 que sa réputation s'en est trouvée renforcée. Ses comprimés de Tylenol empoisonnés au cyanure avaient pourtant fait plusieurs victimes.Maple Leaf se trouve aujourd'hui au coeur d'un des plus graves épisodes de contamination alimentaire de l'histoire canadienne. Ce cas-là aussi sera un jour enseigné dans les facultés de gestion, mais ses conclusions sont encore impossibles à en prédire. L'entreprise a pris une bonne décision lorsqu'elle a annoncé le rappel, par «mesure de précaution», de tous les produits fabriqués dans son usine qui fait l'objet d'une enquête, même si rien n'indique qu'ils soient contaminés. Elle donne l'image d'un fabricant responsable, qui ne lésine pas avec la santé du public. Et elle s'épargne l'embarras de rallonger sa liste de rappels à répétition - ce qu'elle aurait dû faire si les résultats de tests à venir avaient révélé d'autres problèmes.

D'autres aspects de la stratégie de Maple Leaf connaissent cependant quelques ratés. Pris d'assaut par les consommateurs, son site Internet ne répondait plus à la demande hier. La situation s'est améliorée en soirée, mais certaines déficiences subsistaient, particulièrement en français.

C'est une bonne idée d'avoir déposé le message du grand patron Michael McCain sur YouTube, mais puisque l'entreprise avait aussi une version sous-titrée en français, pourquoi ne pas l'avoir mise en ligne? Quant au communiqué le plus récent, mieux valait le lire en anglais: le lien en français aboutissait sur un texte vieux d'une semaine! Et dans une langue comme dans l'autre, les consommateurs auraient sans doute apprécié un résumé de type questions-réponses. Ils auraient ainsi su comment se faire rembourser les produits à ne pas consommer, une information très difficile à trouver hier.

Par ailleurs, Maple Leaf et Ottawa ne semblent pas tout à fait sur la même longueur d'onde en ce qui concerne le redémarrage de l'usine. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) n'a pas manqué de le souligner en conférence de presse: c'est elle, et non l'entreprise, qui décidera quand les conditions sanitaires seront jugées satisfaisantes pour repartir et commercialiser la production. Maple Leaf, après avoir annoncé la réouverture pour lundi, puis pour aujourd'hui, n'avait toujours pas confirmé de date en milieu de soirée hier.

Cela dit, il faudra attendre les conclusions de l'enquête de l'ACIA pour faire un vrai bilan de l'affaire. Les intoxications auraient-elles pu être évitées, ou moins nombreuses? Ce sont ces questions-là, bien plus que les enjeux de gestion de crise, qui intéressent les victimes, leurs familles et le reste de la population.

 

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