Aux réseaux de l'enseignement et de la santé, aux villes, aux employés et cadres du secteur public, aux médecins, le gouvernement libéral demande de «faire plus avec moins». Cet appel au dévouement serait plus convaincant si les élus s'imposaient la même médecine. Cela devrait commencer par une diminution du nombre d'élus à Québec.

Les députés québécois ne se tournent pas les pouces. Les fonctionnaires, les médecins, les enseignants non plus. Cependant, en période de compressions, tout le monde doit mettre l'épaule à la roue. De plus, la réforme de la rémunération des députés, sur laquelle planche Québec, passerait mieux si le nombre de personnes concernées était abaissé.

L'Assemblée nationale pourrait passer de 125 à 95 sièges sans que les citoyens et les régions soient moins bien représentés, et sans que la tâche des élus devienne accablante. Quatre-vingt-quinze, c'est le nombre de députés qu'il y avait à Québec en 1960. Il est vrai que la province ne comptait que 5,3 millions d'habitants, contre 8,2 millions aujourd'hui. Cependant, à cette époque, les communications étaient bien plus difficiles qu'aujourd'hui: internet n'existait pas et la 15 était la seule autoroute de la province. Par conséquent, de nos jours, il est beaucoup plus facile pour un député de rester en contact avec ses électeurs, que ce soit en personne ou virtuellement.

L'Assemblée législative de l'Ontario est composée de 107 membres, 18 de moins que notre Assemblée nationale; elle représente pourtant une population beaucoup plus nombreuse (13,7 millions). Il y a un député ontarien pour 127 000 habitants, contre un député pour 65 000 habitants au Québec.

On dira que le territoire du Québec est plus vaste que celui de l'Ontario; c'est vrai seulement en raison de l'immensité de la circonscription d'Ungava, qui comprend tout le nord de la province. Si l'on met de côté le plus imposant comté de chacune des deux provinces, les députés de Queen's Park desservent en moyenne un territoire 25% plus grand que ceux siégeant à Québec.

En France, l'idée de réduire le nombre d'élus au niveau national gagne de plus en plus d'adeptes, parmi lesquels plusieurs candidats potentiels à la présidence. La République compte 925 parlementaires (577 députés et 348 sénateurs), soit un pour 71 300 habitants. Les propositions pour en diminuer le nombre vont de moins 15% (Nicolas Sarkozy) à moins 50% (Alain Juppé). «Ce n'est pas ça qui va nous permettre de rééquilibrer les comptes publics, concède M. Juppé. Mais il faut le faire. C'est un bon signal.»

Le même raisonnement vaut pour le Québec. Ici, ramener le nombre de députés à 95 génèrerait une économie annuelle d'au moins 3,5 millions. Une goutte d'eau dans l'océan des dépenses publiques, bien sûr. Mais cette mesure aurait une forte valeur symbolique. Sinon, comment les députés peuvent-ils demander aux employés et gestionnaires du secteur public de travailler davantage si eux-mêmes n'envisagent pas de le faire?