La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a frappé un grand coup dimanche en affirmant, sur la foi d'un sondage, que 7500 infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes risquent de prendre leur retraite au cours des trois prochaines années. Selon la présidente de la FIQ, Régine Laurent, «près de la moitié de nos membres de plus de 50 ans et plus ont indiqué vouloir partir pour la retraite d'ici trois ans à cause des pénalités au régime de retraite que le gouvernement veut nous imposer».

Si un tel risque existait vraiment, le gouvernement devrait en effet y penser à deux fois avant de proposer aux employés du secteur public des changements substantiels à leur régime de retraite. Cependant, la FIQ fait dire au sondage beaucoup plus que ce que les données indiquent.

Rappelons les trois modifications souhaitées par Québec:

- hausse de l'âge de la retraite de 60 à 62 ans;

- augmentation de la pénalité applicable pour une retraite anticipée;

- calcul de la prestation sur la moyenne des huit (plutôt que cinq) meilleures années.

L'enquête a été réalisée auprès de 600 membres la FIQ âgées de 50 à 64 ans. Parmi ces personnes, la moitié (47%) disent avoir l'intention de prendre leur retraite au cours des trois prochaines années. De ce nombre, 52% confient que leur décision «est planifiée depuis un certain temps», donc fort probablement avant le dépôt des offres du gouvernement il y a quatre mois. Ainsi, selon le sondage, ce n'est pas la moitié des membres de la FIQ de 50 ans et plus qui songent à la retraite «à cause des pénalités au régime de retraite» mais le quart.

Les statistiques de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec révèlent que 2300 infirmières ont pris leur retraite en 2012-2013 de même qu'en 2014-2015. La structure d'âge de la profession laisse penser que le nombre de départs sera du même ordre au cours des quatre ou cinq prochaines années. Parmi les 2300 infirmières qui prennent leur retraite chaque année, on peut estimer que 1900 travaillent dans le réseau public. En somme, bien avant le dépôt des offres gouvernementales, on prévoyait que 5700 infirmières (1900 x 3) du réseau public de la santé prendraient leur retraite d'ici trois ans. Ajoutons quelque 600 infirmières auxiliaires, nous en sommes à 6300 retraites. On le voit, s'il y a «départs massifs» comme l'annonce la FIQ, la grande majorité de ces départs n'ont rien à voir avec d'éventuelles modifications au régime de retraite.

S'il y a un enseignement à tirer de l'exode de 1997, c'est que lorsque le gouvernement envisage de modifier les modalités des régimes de retraite de ses employés, il doit faire preuve de la plus grande prudence. Malheureusement, en exagérant les risques des offres gouvernementales, la FIQ vient de miner la crédibilité syndicale dans cet important dossier