Si les médecins omnipraticiens et spécialistes croyaient se gagner la sympathie de la population à l'aide de leurs campagnes de pub, c'est raté.

Selon les messages diffusés dans les médias, les réformes pilotées par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, vont « déshumaniser » les soins et aggraver les problèmes d'accessibilité. Or, les Québécois qui ont fréquemment recours aux services de santé savent que le mal est déjà fait. Si la bureaucratie porte certainement une part de responsabilité pour ce gâchis, les médecins perdent toute crédibilité en prétendant qu'ils n'y sont pour rien.

Dans son plus récent livre, l'ancien ministre de la Santé, Claude Castonguay, constate : « La mainmise de la médecine est telle que tous les changements, même les plus justifiés, doivent faire l'objet de négociation et doivent être monnayés à tel point que le ministère de la Santé agit comme si le système appartenait à la profession médicale. » Qui oserait le contredire ?

« Vous n'êtes pas des numéros », affirme la campagne des médecins de famille. Ah ! non ?

Les médecins ne peuvent pas se laver les mains de tout ce qui se passe avant et après leurs rencontres avec les patients. S'il est impossible d'obtenir un rendez-vous dans un délai décent, si les cliniques sont fermées le soir et la fin de semaine, si les urgences ont des allures de champs de bataille, si des médicaments sont prescrits à tort et à travers, si les infirmières et les pharmaciens n'arrivent pas à se faire une place, c'est en partie en raison des choix faits par les médecins, notamment dans leurs négociations avec Québec.

À compter de la fin des années 90, la FMOQ et le FMSQ ont martelé que l'amélioration de l'accessibilité passait par une augmentation du nombre de médecins et par une rémunération les incitant à soigner plus et mieux. Le gouvernement s'est rendu à ces arguments. Le Québec compte aujourd'hui 3000 médecins de plus qu'il y a 10 ans.

Selon la Régie de l'assurance maladie du Québec, un médecin de famille gagne en moyenne un revenu brut de 240 000 $, 90 000 $ de plus qu'il y a 10 ans. Un spécialiste gagne 370 000 $, 150 000 $ de plus qu'en 2003.

Autrement dit, les docteurs ont eu ce qu'ils voulaient. Mais l'accessibilité promise n'est pas au rendez-vous. Ce bris de contrat n'est sans doute pas étranger à l'indifférence des Québécois face aux hauts cris poussés par le corps médical.

« À vouloir tout réécrire, vous effacez l'essentiel », dénonce la publicité des spécialistes. Justement, à nos yeux, les fédérations de médecins font partie de ceux qui, dans le système de santé, ont oublié l'essentiel.

Les médecins, souligne M. Castonguay, « se comportent comme des syndiqués qui négocient strictement en fonction de leurs intérêts ». Les événements des dernières années lui donnent raison. La preuve est faite que, contrairement aux prétentions des fédérations, les intérêts des médecins ne coïncident pas toujours avec ceux de leurs patients.