Depuis la suspension du projet Learjet 85, annoncée le mois dernier, la confiance des investisseurs à l'égard de la direction de Bombardier était ébranlée. En raison des retards et des coûts supérieurs aux prévisions du développement de la CSeries, la multinationale a brûlé des centaines de millions de liquidités.

L'entreprise devait réagir avec vigueur; c'est ce qu'elle a fait hier en annonçant que Pierre Beaudoin cède la direction à Alain Bellemare. M. Bellemare, qui a passé les 18 dernières années chez United Technologies, jouit d'une excellente réputation. Ayant dirigé Pratt&Whitney, fabricant des moteurs de la CSeries, il connaît bien Bombardier. Si quelqu'un peut régler les «problèmes d'exécution» dont souffre la division Aéronautique, c'est lui.

La tâche ne sera pas facile. Bombardier devra dépenser encore beaucoup d'argent au cours des prochains mois pour que le premier modèle de la CSeries reçoive son homologation d'ici la fin de l'année. La compagnie a reçu 243 commandes fermes alors que sa cible, pour le lancement, est de 300.

Afin de disposer des sommes nécessaires, Bombardier a suspendu le paiement de dividendes. Elle prévoit que l'émission de nouvelles actions lui procurera 600 millions US. Enfin, elle compte emprunter 1,5 milliard. Cela permettra à l'entreprise de respirer d'ici à ce que la CSeries livre enfin ses premiers revenus. De toute évidence, plusieurs investisseurs en ont assez d'attendre: l'action de Bombardier a perdu 11% dans la journée.

Il faut dire que, outre les risques considérables associés au projet CSeries, des incertitudes demeurent. La compagnie a fait savoir hier qu'afin de diminuer sa dette, elle «étudiera d'autres mesures, dont la possibilité que certaines activités d'affaires participent au regroupement qui s'opère au sein de l'industrie». Analystes et journalistes ont tenté d'en savoir plus, en vain.

Autre question: quelle marge de manoeuvre la famille Bombardier-Beaudoin laissera-t-elle au nouveau chef de la direction? Pierre Beaudoin portera désormais le titre de «président exécutif du conseil d'administration». Il semble qu'il consacrera ses énergies à la stratégie de la compagnie dans un contexte de consolidation de l'industrie ferroviaire mondiale. Néanmoins, la chimie entre M. Bellemare et son prédécesseur devra rester bonne.

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Laurent Beaudoin, celui qui a fait de Bombardier la multinationale qu'elle est devenue, siègera toujours au conseil, mais comme «président émérite», un titre «honorifique» précise la compagnie. Honorifique ou pas, on peut penser que l'influence de M. Beaudoin père demeurera considérable.

Bombardier est une entreprise extraordinaire, un pilier de l'économie canadienne. Espérons que les changements annoncés hier lui permettront de traverser cette période difficile et d'en sortir plus forte. Les investisseurs concentrés sur le long terme verront alors leur patience récompensée.