Un an après la publication du rapport exhaustif du département d'État sur le projet Keystone XL, l'Environmental Protection Agency (EPA) a finalement fait part de ses commentaires. Au grand plaisir des écologistes, l'EPA contredit l'analyse du département d'État en soutenant que la construction de l'oléoduc entraînerait une importante augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Ce document de l'EPA - une simple lettre de deux pages et demie - est indigne d'une organisation gouvernementale de cette envergure.

La missive de l'EPA aborde deux questions. Un: la quantité de gaz à effet de serre (GES) émis par la production des 830 000 barils que l'oléoduc doit transporter du Canada jusqu'aux raffineries du golfe du Mexique. Deux: la construction de Keystone XL entraînera-t-elle une augmentation de la production de pétrole bitumineux albertain?

Sur le premier point, l'EPA cite le rapport du département d'État selon lequel l'extraction et le raffinage de 830 000 barils de pétrole des sables bitumineux résulteraient en la production d'entre 1,3 million à 27,4 millions de tonnes de GES. Puis, sans dire un mot de l'écart considérable entre le minimum et le maximum, l'EPA choisit le plus élevé: «27,4 millions de tonnes équivaut aux émissions de GES de 5,7 millions d'automobiles.»

Pas un mot non plus au sujet de ce qu'ont souligné le département d'État et d'autres experts: sur le marché américain, le pétrole lourd canadien ne prend pas la place de pétrole léger, mais du pétrole lourd importé d'autres pays, dont le Venezuela et le Mexique. Or, la production de ces pétroles émet autant ou presque autant de GES que celle du pétrole albertain. Si on compare des pommes avec des pommes, l'extraction de 830 000 barils de pétrole lourd canadien entraînerait des émissions supplémentaires allant de 1,3 million à 18,4 millions de tonnes par année, selon le pétrole auquel on le compare. Même le nombre le plus élevé correspond à seulement 0,4% des GES émis annuellement par les États-Unis.

Quant au deuxième point, le département d'État estime que le développement des sables bitumineux se poursuivra, peu importe que Keystone XL soit approuvé ou non. Le pétrole canadien fera son chemin jusqu'aux raffineries américaines par d'autres moyens, en particulier le train. Par conséquent, la construction du pipeline n'entraînera pas d'émissions supplémentaires de GES.

À cela, l'EPA répond que la récente chute des prix du pétrole change la donne: le transport par rail, plus cher, pourrait ne plus être abordable pour les producteurs canadiens, qui seraient contraints de réduire la cadence. Ce raisonnement est vicié. Comme le fait remarquer l'agence elle-même, le développement des sables bitumineux est fondé «sur les tendances de prix à long terme, non sur la volatilité à court terme.» D'ailleurs, les exportations canadiennes vers le sud ont continué d'augmenter au cours des derniers mois, malgré la baisse des prix.

Au plan scientifique, la lettre de l'EPA n'a aucune valeur. Au plan politique, par contre, elle donne au président Obama le prétexte qui lui manquait pour bloquer Keystone XL.