Vue du Canada, la discussion sur les changements climatiques se limite à peu de choses près aux sables bitumineux. Cessons d'extraire ce « pétrole sale » et le problème sera réglé. Or, à l'échelle de la planète, le pétrole canadien est un facteur insignifiant. Le principal obstacle à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, c'est l'utilisation croissante du charbon pour produire de l'électricité, en particulier dans les pays en développement où il n'y a pas de solution de rechange aussi disponible et abordable.

Dans un rapport publié cette semaine, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit que d'ici la fin de la décennie, la consommation mondiale de charbon augmentera de 2,1 % par an. Cette hausse surviendra malgré la mise au rancart ou la conversion au gaz de plusieurs centrales au charbon dans les pays développés. « Beaucoup de politiques visant à réduire les changements climatiques ont été annoncées, mais à court terme, elles ne parviendront pas à stopper la croissance de la demande de charbon », a déclaré la directrice de l'AIE, Maria van der Hoeven.

La Chine demeurera, de loin, le principal utilisateur de charbon dans le monde. Au cours des cinq prochaines années, sa consommation augmentera plus lentement grâce aux efforts colossaux consentis par l'État chinois en faveur des énergies renouvelables. Néanmoins, en 2019, les Chinois brûleront 600 millions de tonnes de charbon de plus qu'aujourd'hui.

Bien qu'elle milite pour des politiques énergétiques plus vertes, l'Agence internationale de l'énergie s'est résignée à ce que dans les pays en développement, le charbon demeure irremplaçable à court terme. C'est tout simplement la source d'énergie la plus abondante et la moins coûteuse sur la planète. D'ailleurs, si les pays développés freinent leur propre consommation, ceux qui disposent de gisements de charbon ne se gênent pas pour accroître leurs exportations.

D'ici la fin de la présente décennie, les émissions de CO2 produites par la combustion de charbon augmenteront de 2 milliards de tonnes, 40 fois l'augmentation des émissions qui pourrait être causée par l'exploitation des sables bitumineux (en supposant que les prix du pétrole prennent du mieux). Pour avoir la moindre chance de réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre, l'humanité doit investir massivement dans de nouvelles technologies. La patronne de l'AIE, Mme van der Hoeven, a donc raison d'insister : « Nous ne pouvons continuer à utiliser le charbon comme nous le faisons. Pour que les choses changent, il nous faut accélérer radicalement le déploiement du captage et du stockage du carbone. »