Peu de domaines d'activité bougent de manière aussi imprévisible que celui de l'énergie. Des événements survenus au cours des derniers jours pourraient changer une donne déjà bouleversée par l'augmentation fulgurante de la production de pétrole aux États-Unis depuis 2011.

Les résultats des élections de mi-mandat, lundi, permettront aux républicains de prendre le contrôle du Sénat tandis que leur majorité à la Chambre des représentants sera plus imposante. Les élus du Grand Old Party ont fait savoir qu'ils présenteront rapidement un projet de loi donnant le feu vert à la construction de l'oléoduc Keystone XL.

Cet oléoduc, en attente de l'approbation de la Maison-Blanche depuis six ans, permettrait l'acheminement quotidien de plus de 800 000 barils de pétrole albertain jusqu'aux raffineries du golfe du Mexique. Une fois la loi adoptée, Barack Obama pourra toujours apposer son veto. Toutefois, un tel geste pourrait être mal vu étant donné la rebuffade que les Américains viennent de servir au président, notamment dans les trois États que traverserait l'oléoduc. Interrogé hier au sujet du pipeline, M. Obama n'a pas évoqué son droit de veto.

De toute façon, si Keystone XL reste bloqué, le pétrole bitumineux trouvera une voie vers les raffineries du Golfe. Outre le transport par rail, en forte hausse, d'autres projets de pipeline sont à l'étude, projets qui pourraient remplacer l'oléoduc promu par TransCanada.

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Une autre évolution risque d'avoir des effets beaucoup plus importants que ceux produits par les résultats électoraux chez nos voisins du sud. Il s'agit de la chute des prix du pétrole brut. Malgré le sursaut enregistré hier, l'or noir se vend 25% moins cher qu'il y a quatre mois.

Les spécialistes ne s'entendent pas sur la suite des choses. Certains sont convaincus que les prix vont remonter. D'autres prévoient plutôt une guerre de prix, entre autres parce que l'Arabie saoudite, dont les États-Unis sont le plus gros client, se trouve désormais en concurrence avec des producteurs locaux.

De 2006 à 2013, les Américains ont réduit leurs importations de pétrole brut et de produits pétroliers de 30%. Les pays de l'OPEP, dont les Saoudiens, sont les grands perdants de ce phénomène. Pendant ce temps, les achats de pétrole canadien continuent de croître.

Si les prix restent relativement bas au cours des prochains mois, les répercussions seront multiples, notamment sur l'économie canadienne, sur les finances des gouvernements et des consommateurs, et sur la lutte aux changements climatiques. Déjà, au Canada comme aux États-Unis, les ventes de véhicules plus énergivores sont en forte hausse.

Rien de cela n'était prévu. Ainsi, pour la énième fois dans l'histoire moderne, les avancées technologiques et les forces du marché auront déjoué les certitudes des experts (et des éditorialistes...).