Lors de son passage dans l'Ouest canadien dimanche et à Ottawa hier, le président français s'est bien gardé de faire la leçon au gouvernement Harper au sujet de son minable bilan en matière de lutte aux changements climatiques. Lui qui veut forger un compromis international historique en vue de la conférence de Paris sur le climat l'an prochain, François Hollande sait qu'il n'aurait rien à gagner en braquant le Canada.

M. Hollande a aussi rappelé les investissements colossaux du géant français Total dans les sables bitumineux. «Avec des techniques qui garantissent les règles de protection de l'environnement», a-t-il pris soin de préciser.

Le président de la République a mentionné les objectifs impressionnants que s'est donnés son pays, avec l'Union européenne. Par exemple, la France veut diminuer ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40% par rapport à celles de 1990. Il aurait pu dire aussi, s'il avait été moins diplomate, que la France a surpassé l'objectif - modeste, il est vrai - qu'elle s'était fixée à Kyoto; ses émissions de GES sont aujourd'hui 12% inférieures à celles de 1990. Les émissions canadiennes, elles, dépassent de 19% celles de 1990.

On sait que le gouvernement Harper s'est retiré du protocole de Kyoto. Il a fixé une nouvelle cible: des émissions de GES de 17% moins élevées en 2020 qu'en 2005. Or, à moins d'un effondrement de l'industrie pétrolière, la cible sera ratée de beaucoup.

Il est vrai que les circonstances ont beaucoup aidé la France à présenter un bilan aussi reluisant. Contrairement au Canada, la République produit peu d'hydrocarbures: 99% du pétrole et du gaz consommés en France sont importés.

Le déclin de la sidérurgie française, grande consommatrice de charbon, a aussi contribué à la baisse des émissions de GES. C'est également le cas du marasme économique dans lequel patauge la France.

Pour jauger les performances des différents pays en matière de lutte aux changements climatiques, il faut tenir compte des circonstances particulières de chacun. Qui peut dire ce que ferait la France si ses réserves de pétrole étaient de 174 milliards de barils plutôt que de 90 millions de barils?

Néanmoins, la France a le mérite d'avoir atteint ses objectifs. Surtout, le gouvernement de M. Hollande s'est donné un plan clair et ambitieux, qui passe par l'adoption de l'imposant projet de loi relatif à la transition énergétique par la croissance verte.

Nous ne demandons pas au gouvernement Harper de copier le modèle français, qui n'est pas approprié au contexte canadien. Nous demandons seulement aux conservateurs de mettre de mettre de l'avant un plan précis relatif aux émissions de GES des sables bitumineux, comme ils le promettent depuis plusieurs années. De plus, sous peine de perdre le peu de crédibilité qu'il leur reste dans ce domaine, ils doivent absolument s'efforcer d'atteindre la cible de réduction des émissions de GES qu'ils ont eux-mêmes déterminée.