Participant pour la première fois à une réunion du Conseil de la fédération, le premier ministre québécois, Philippe Couillard, a mis un terme à ce qu'on pourrait appeler «la politique de l'astérisque». Au cours des dernières années, le gouvernement Marois, et même à l'occasion le gouvernement Charest, avaient refusé de participer à des initiatives lancées par les autres provinces; dans les communiqués, l'abstention québécoise était indiquée par une note de bas de page. À Charlottetown la semaine dernière, le gouvernement Couillard a rejoint avec enthousiasme les projets du Conseil, qui regroupe les premiers ministres provinciaux et territoriaux du pays.

La politique la plus concrète du Conseil de la fédération permet aux provinces de mettre leur pouvoir d'achat en commun afin de faire baisser les prix des médicaments. Autant sous M. Charest que sous Mme Marois, le Québec était resté à l'écart de cette initiative, «principalement parce qu'elle est incompatible avec les lois québécoises». Le premier ministre Couillard a annoncé vendredi que le Québec mettra l'épaule à la roue: «L'achat combiné de médicaments dans le reste du Canada a permis des économies de 260 millions de dollars récurrentes, annuelles. Ajoutez le Québec comme force à ce groupe, il va permettre d'étendre ces économies aux Québécois», a expliqué M. Couillard.

Depuis 2007, les provinces cherchent à collaborer plus étroitement dans le domaine de l'énergie. Appuyée par Jean Charest, la «Stratégie canadienne de l'énergie» a été boudée par Pauline Marois. Le Québec de Philippe Couillard a décidé d'y participer pleinement, après avoir obtenu, de concert avec l'Ontario, d'en renforcer le volet relatif à la lutte aux changements climatiques. Ce virage a été décrié par le Parti québécois. «C'est à se demander si Philippe Couillard n'est pas en train de céder au reste du Canada les clés de notre avenir énergétique, a dit le député Bernard Drainville. C'est un geste lourd de conséquences parce qu'en ces matières, les Québécois ont une vision aux antipodes des valeurs canadiennes.»

Le gouvernement Couillard ne cède rien à quiconque; il choisit tout simplement de collaborer avec les autres provinces dans un domaine d'une grande importance pour toutes. Pour ce qui est de la vision des Québécois qui serait «aux antipodes des valeurs canadiennes», M. Drainville cède encore une fois à son penchant pour la caricature; quoi qu'on leur fasse croire, les Québécois sont loin d'avoir le monopole de l'énergie verte au Canada.

Le gouvernement du Québec a tout à gagner en forgeant des partenariats solides dans les domaines de compétence provinciale. Entre autres avantages, mieux les provinces collaborent dans ces domaines, moins Ottawa sera tenté d'y intervenir (la politologue Jennifer Wallner en fait la démonstration, pour ce qui est du domaine de l'éducation, dans un livre publié récemment, Learning To School.)

Pas plus que celle de la chaise vide, la politique de l'astérisque ne permet au Québec d'affirmer sa culture propre. Au contraire, elle le marginalise. Nous nous réjouissons donc du changement de cap annoncé par Philippe Couillard, sachant qu'il saura tirer le meilleur parti de la collaboration pancanadienne tout en protégeant l'autonomie de la province.