Le premier ministre, Stephen Harper, n'a pas caché sa déception à la suite de la décision de la Cour suprême sur la réforme du Sénat. «Nous sommes prisonniers du statu quo, a laissé tomber M. Harper. Tout changement substantiel, de même que l'abolition du Sénat, sont écartés.»

Répondant à une requête d'Ottawa, le tribunal a fait savoir vendredi que le gouvernement fédéral ne peut pas apporter de changements au mode de sélection ou à la durée du mandat des membres de la chambre haute sans passer par des amendements constitutionnels, amendements qui exigent l'accord d'au moins sept provinces représentant la moitié de la population du pays. De plus, si le fédéral souhaitait abolir le Sénat, il lui faudrait obtenir l'aval de toutes les provinces.

«On sait très bien qu'il n'y a pas de consensus parmi les provinces. Il n'y pas non plus de désir de rouvrir la Constitution, a souligné le premier ministre. Alors, le résultat de ce jugement, c'est le statu quo. Ce n'est pas ce que souhaite la population.»

Quoi qu'en pense Stephen Harper, la Cour suprême affirme un fait incontestable: «Le Sénat est une des institutions politiques fondamentales du Canada. Il se situe au coeur des ententes ayant donné naissance à la fédération canadienne.» Cela étant, tout changement important apporté à cette institution devra se faire par la voie constitutionnelle, et donc obtenir l'appui d'une forte majorité des provinces.

Certes, la formule d'amendement prévue par la Constitution de 1982 est très exigeante. Les échecs des accords du lac Meech (1990) et de Charlottetown (1992) ont provoqué dans la population et chez nos élus un choc post-traumatique qui les rend allergiques à toute négociation constitutionnelle. Pourtant, dans une fédération dont les fondements sont gravés dans le texte constitutionnel, celui-ci doit pouvoir évoluer à mesure que le pays change. «La formule de modification (de la Constitution) est conçue pour favoriser le dialogue entre le gouvernement fédéral et les provinces», soulignent les huit juges de la Cour suprême.

Il faut bien sûr éviter la tenue d'un grand spectacle médiatico-politique tels ceux des années 1980 et 1990. Au contraire, il faut dédramatiser les discussions constitutionnelles. Celles-ci devraient se tenir sur une base permanente, avec des réunions fréquentes des ministres responsables des relations fédérales-provinciales. De plus, les premiers ministres fédéral et provinciaux devraient se réunir trois ou quatre fois par année pour discuter de divers enjeux, notamment la modernisation de la Constitution (après tout, les dirigeants des pays de l'Union européenne se rencontrent au moins une fois par trimestre...).

Une telle pratique ne produirait pas de résultats à court terme. Cependant, à la longue, elle serait certainement plus fructueuse que le tabou actuel. Au lieu de bougonner, le premier ministre Harper devrait prendre l'initiative de cette conversation permanente sur les textes fondateurs de la fédération canadienne.