La première ministre, Pauline Marois, a fait savoir hier que son gouvernement songe à ajouter une clause dérogatoire au projet de Charte des valeurs. Un tel article mettrait cette loi à l'abri de toute contestation en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

Jusqu'ici, le gouvernement péquiste se disait convaincu de la constitutionnalité du projet de loi 60, s'appuyant apparemment sur des avis juridiques. Voilà que Mme Marois en est moins sûre: «S'il s'avérait que cette charte puisse être contestée, nous appliquerons la clause dérogatoire».

Ainsi, non content de brimer la liberté de religion de milliers de Québécois, le gouvernement Marois les priverait de tout recours devant les tribunaux. Ce serait une mesure odieuse, qui susciterait une indignation légitime dans le reste du pays (souhaitée par le PQ?) et entacherait la réputation du Québec dans le monde.

Les péquistes se défendent en soutenant que comme le recours à une clause dérogatoire est prévu par la Charte canadienne, il n'y a rien de mal à s'en servir. Soit. Mais puisqu'il s'agit de protéger des droits fondamentaux, une telle clause devrait être réservée à des situations exceptionnelles.

Or, comment le gouvernement Marois justifierait-il le recours à une mesure aussi draconienne? Quels faits, quelles études invoquerait-il pour démontrer que l'intégrisme est à nos portes? En l'absence de cas concrets, imaginerait-il des scénarios à la Janette Bertrand? En fin de semaine, mesdames Bertrand et Marois ont parlé de la nécessité de «prévenir» avant que ne survienne une «crise». Désolé: on n'attente pas aux droits fondamentaux des personnes «au cas où».

Le Parti québécois essaie de faire croire aux électeurs que s'ils ne lui donnent pas une majorité, il n'y aura pas de loi pour baliser les accommodements raisonnables, interdire le voile intégral dans les services publics, garantir la neutralité de l'État et réaffirmer l'égalité des hommes et des femmes. C'est un mensonge. Les trois autres grands partis se sont tous engagés à agir en ce sens.

La seule partie de la Charte des valeurs du PQ qui pose problème est l'interdiction des signes religieux pour tous les employés d'organismes publics. Cette interdiction générale ne contribuerait en rien à promouvoir l'égalité des sexes si chère à madame Bertrand, au contraire. De plus, elle est inutile puisque le port des signes religieux est rare dans le secteur public, à l'exception de quelques établissements de santé et de certaines garderies. Et c'est pour cela que le gouvernement du Québec se soustrairait au devoir de respecter les droits fondamentaux des Québécois?

Si le Parti québécois est reporté au pouvoir sur cette base, le 7 avril 2014 deviendra une des dates les plus tristes de l'histoire du Québec.