«Le gouvernement du Québec veut s'attaquer au gaspillage engendré par les ingérences et les dédoublements du fédéral», déclarait le gouvernement Marois en juin dernier en chargeant deux experts de faire le portrait de ces ingérences. Il n'est donc pas étonnant que, huit mois plus tard, les experts en question dénoncent les initiatives d'Ottawa. La surprise vient plutôt des choix méthodologiques douteux faits par les auteurs.

MM. Denis Lalumière et Pierre Malouin, tous deux anciens sous-ministres, ont décidé d'ignorer les transferts fédéraux pour la santé et les services sociaux, qui constituent pourtant, de très loin, l'intervention financière la plus importante du gouvernement du Canada dans ce domaine. Ces transferts, qui sont versés sans conditions, totalisent 10 milliards en 2012-2013, soit un tiers des dépenses du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Une fois ce magot mis de côté, MM. Lalumière et Malouin se penchent sur 37 programmes fédéraux, la plupart modestes. En vertu de ces initiatives, de 2007 à 2013, le Québec a reçu en moyenne 227 millions par année. De ce montant, estiment-ils, la moitié a été versée sans conditions, tous comme les transferts mentionnés plus haut. Il reste donc des programmes évalués à 115 millions par année pour lesquels le fédéral exige le respect de conditions ou finance des projets ne correspondant pas aux priorités de Québec. Cent quinze millions, c'est 1,2% des sommes que verse Ottawa à la province chaque année pour la santé et les services sociaux et 0,4% des dépenses du Québec dans ces secteurs. Une goutte d'eau dans l'océan.

L'administration du système de santé est de compétence provinciale. Idéalement, le fédéral n'interviendrait pas dans ce domaine, sauf dans les secteurs qui relèvent de sa juridiction (la règlementation des médicaments, par exemple). Si Ottawa s'en mêle quand même, c'est parfois pour des raisons politiques, parfois parce que les programmes provinciaux ne répondent pas à tous les besoins.

«Les interventions fédérales imposent des cibles et des façons de faire différentes de celles qui sont retenues par les autorités québécoises», accuse le rapport Lalumière/Malouin. Sans doute, mais il arrive qu'une variété d'approches soit salutaire (par exemple, dans la lutte à l'itinérance).

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Le rapport déplore que pour plusieurs des programmes fédéraux, le Québec ne reçoive pas sa juste part. De 2002 à 2013, le manque à gagner totaliserait 830 millions. Admettons que cette estimation soit juste; cela correspond à une perte de 75 millions par année, 0,3% du budget du MSSS. Une gouttelette.

De toute façon, dans plusieurs cas, le «sous-financement» s'explique aisément. Il suffit de s'informer auprès du fédéral. Malheureusement, les auteurs n'ont pas jugé bon de composer le 613.

Compte tenu de tout cela, il est grossièrement exagéré d'affirmer, comme l'ont fait les péquistes, que les interventions d'Ottawa en santé «perturbent le fonctionnement de notre système de santé.»