La Cour d'appel de l'Alberta a rejeté les prétentions des Franco-Albertains selon lesquelles le gouvernement de la province est tenu d'adopter ses lois dans les deux langues officielles du pays. « Les Parlements canadien et britannique savaient très bien comment enchâsser les droits linguistiques (en 1870). Pourtant, ils ne l'ont fait dans aucun des documents relatifs à ce qui est aujourd'hui l'Alberta. C'est un obstacle insurmontable à la cause » des francophones, a conclu la Cour.

La « cause Caron », du nom du citoyen à l'origine de la démarche juridique, sera portée en Cour suprême. Le jugement de ce tribunal sera déterminant pour l'avenir de la communauté francophone de la province (2 % de la population). Si Gilles Caron gagne, les Franco-Albertains seront en bonne position pour négocier avec le gouvernement provincial l'obtention de services en français plus étendus. S'il perd, ils se retrouveront encore plus démunis qu'aujourd'hui.

Or, le risque d'une défaite n'est pas négligeable. La cause Caron ressemble à la cause Forest, qui avait mené à un jugement de la Cour suprême (1985) forçant le gouvernement du Manitoba à traduire toutes ses lois. La différence, cruciale, est que les droits des francophones étaient explicitement protégés par la Loi sur le Manitoba, créant la province en 1870 et enchâssée dans la Constitution du Canada. Votée en 1905, la Loi sur l'Alberta est silencieuse à ce sujet.

Les avocats représentant les francophones albertains ont plongé dans l'histoire pour montrer que dès 1845, divers textes légaux prévoyaient la coexistence de deux langues officielles dans les Territoires du Nord-Ouest, un bilinguisme qui était d'ailleurs la pratique. Le tribunal de première instance leur a donné raison, mais la Cour d'appel vient de trancher à l'opposé. Selon les trois juges, si le Parlement du Canada avait voulu faire du français une langue officielle en Alberta, il aurait inscrit dans la loi fondant la province le même libellé que celui inscrit dans la Loi sur le Manitoba, adoptée 35 ans plus tôt.

Nous n'avons pas la compétence pour trancher la question, très complexe, du point de vue du droit constitutionnel. Cependant, nous plaidons que, sans attendre le jugement de la Cour suprême, le gouvernement de l'Alberta devrait agir avec détermination pour améliorer les services offerts en français par la province.

Albertain d'adoption, Stephen Harper a souvent rappelé que « le français est la langue fondatrice du Canada ». Or, ce qui est vrai pour le pays tout entier est vrai aussi pour l'Alberta, dont le territoire a été d'abord exploré, habité et développé par des gens venant de la Nouvelle-France (notamment les frères de La Vérendrye) et du Québec (dont le père Albert Lacombe, personnage-clé de l'histoire de la province). Le gouvernement de la province a donc le devoir moral, politique et historique de préserver la culture canadienne-française sur son territoire.