Comme toutes les grandes puissances, la République populaire de Chine doit parfois fermer les yeux sur les abus commis par un allié. Mais il y a des limites à ce qu'on peut justifier par des considérations géopolitiques. Le soutien qu'apporte Pékin à la dictature nord-coréenne a depuis longtemps franchi la frontière de l'inadmissible.

Le système totalitaire mis en place par Kim Il-sung, son fils Kim Jong-il et son petit-fils Kim Jong-un est exposé dans toute son horreur par la Commission d'enquête de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, qui a publié son rapport lundi.

Après un an d'enquête, la Commission a conclu que les atrocités commises et cautionnées par les autorités nord-coréennes sont d'une telle ampleur qu'elles doivent être considérées comme des crimes contre l'humanité. «Ces crimes impliquent des exterminations, meurtres, esclavage, tortures, emprisonnements, viols, avortements forcés et autres formes de violences sexuelles, persécutions pour des motifs d'ordre politique, religieux, racial ou sexiste, le transfert forcé de populations, les disparitions forcées de personnes et des actes inhumains causant intentionnellement une famine prolongée», écrivent les commissaires.

Au fil des ans, des centaines de milliers de personnes ont été internées dans des camps de détention politique, où elles ont été torturées, affamées... et d'où elles ne sont jamais sorties. La majorité d'entre elles ne savaient pourquoi elles avaient été arrêtées. «Les atrocités innommables qui sont commises contre les détenus ressemblent aux horreurs des camps établis par les États totalitaires au cours du XXe siècle», n'hésite pas à affirmer la Commission.

Par aveuglement idéologique et pour des raisons politiques, le régime a privé de nourriture des régions et des groupes particuliers. La plus grave famine, il y a 20 ans, a fait des centaines de milliers de morts. Encore aujourd'hui, «la faim et la malnutrition demeurent répandues».

Que faire? Le rapport recommande au Conseil de sécurité de soumettre le dossier à la Cour pénale internationale, de sorte que les dirigeants nord-coréens répondent de leurs actes. Malheureusement, on sait d'avance que toute initiative en ce sens sera bloquée par le veto de la Chine.

Seule alliée de la Corée du Nord, la République populaire a dénoncé le rapport et rejeté ses recommandations. «Confier la question des droits de la personne à la Cour pénale internationale ne contribue pas à améliorer les choses», a dit une porte-parole. Sauf qu'il ne s'agit pas ici d'un simple «problème de droits de la personne». Il s'agit d'un État qui en plus de priver ses citoyens de tous leurs droits, les martyrise et les tue par centaines de milliers. Face à ce régime digne d'Hitler et de Staline, la Chine a le devoir moral de changer de politique.