Compte tenu de la méfiance des Québécois à l'endroit de l'entreprise privée, une participation de l'État était essentielle pour rendre acceptable l'exploration pétrolière sur le territoire de la province. L'engagement politique et financier du gouvernement Marois en faveur de la recherche de pétrole sur l'île d'Anticosti est donc une excellente nouvelle.

Le discours anti-pétrole du Parti québécois semble maintenant chose du passé. D'ici quelques années, on saura s'il y a des réserves exploitables dans le sous-sol de l'île. Le débat sur l'opportunité d'extraire ce pétrole pourra se faire en toute connaissance de cause.

Les deux ententes conclues cette semaine entre Québec et les pétrolières canadiennes Pétrolia, Corridor Resources et Junex comportent des aspects inquiétants. D'abord, le gouvernement ne vient pas seulement en appui aux projets d'exploration, il est le principal investisseur. Dans le premier accord, Ressources Québec (RQ), filiale d'Investissement Québec, versera 57 des 100 millions requis. Dans le second, RQ versera la moitié des 90 millions nécessaires. Bien sûr, l'État devient un actionnaire prédominant dans les projets, ce qui augmentera les avantages allant à la collectivité si les réserves sont confirmées. Par contre, si l'exploration ne donne rien, plus de 100 millions d'argent public auront été perdus.

Autre source d'inquiétude, l'absence d'un acteur de premier plan de l'industrie pétrolière mondiale. Le partenaire français impliqué dans la première entente, Maurel & Prom, a beau se dire « présent dans 12 pays et 4 continents », il reste un producteur de petite envergure. Où sont les Suncor, Total, Shell ? Pour ce qui est de l'accord conclu par Québec avec Junex, il s'agit seulement d'une entente de principe, puisqu'on n'a pas encore trouvé d'entreprise prête à investir les 45 millions manquants.

Il faut être prudent aussi sur le potentiel pétrolier de l'île. Le nombre évoqué, quelque 40 milliards de barils, est « extrêmement préliminaire », reconnaît Québec. La prudence s'impose d'autant plus que seule une petite partie du pétrole de schiste peut-être extrait avec les techniques existantes.

Ces remarques faites, il reste que, comme l'a souligné le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, « 115 millions pour un gain potentiel de 45 milliards, c'est un risque qui vaut la peine. » En effet, la situation financière du gouvernement du Québec et les exigences de notre modèle social nous interdisent de fermer les yeux sur une telle manne, aussi incertaine soit-elle.

Les libéraux de Philippe Couillard se sont fait un plaisir, hier, de rappeler les anciennes déclarations, hostiles au pétrole, de Pauline Marois et de ses députés. C'est de bonne guerre. Mais, au-delà de la partisanerie, on ne peut qu'applaudir le changement de cap du PQ. À bien y penser, seuls les péquistes, étant donnée la sympathie dont ils jouissent au centre-gauche, pouvaient lancer le Québec dans la quête de l'or noir.