C'est une sorte de tradition: quelques heures après le dépôt du budget fédéral, le ministre québécois des Finances convoque la presse. Immanquablement, il dénonce en termes virulents l'insuffisance des transferts fédéraux et les intrusions d'Ottawa dans les compétences provinciales. Parfois, ces critiques sont justifiées. À d'autres moments, il s'agit simplement de recourir à la vieille tactique, toujours rentable, consistant à mettre ses problèmes sur le dos du gouvernement fédéral.

Aussi, personne n'a été surpris d'entendre le ministre Nicolas Marceau critiquer le budget présenté par son homologue fédéral, Jim Flaherty. Cependant, la teneur et le ton de ses propos étaient démesurés.

Il faut un sacré culot pour annoncer «le retour du déséquilibre fiscal» quand on sait que les sommes transférées par Ottawa au gouvernement provincial sont passées de 10,1 milliards en 2003-2004 à 17,5 milliards de dollars en 2012-2013 (+7,4 milliards); elles devraient atteindre 19,6 milliards l'an prochain.

M. Marceau souligne que d'ici peu, le gouvernement du Canada disposera de surplus budgétaires. C'est exact. Toutefois, contrairement à ce qui s'est passé dans les années 1990, ce n'est pas en réduisant ses transferts aux provinces, mais en coupant dans ses propres dépenses que le gouvernement fédéral s'est sorti du rouge.

«Ils ont mis en place des moyens pour qu'il n'y ait plus de pression sur eux , alors que nous, les pressions vont s'accélérer avec le vieillissement de la population», a expliqué le ministre québécois. Bien sûr, les dépenses de santé, payées par les provinces, vont continuer d'augmenter. Mais pourquoi appartiendrait-il au gouvernement central d'encaisser cette croissance rapide des coûts, alors qu'il n'a pas un mot à dire sur la gestion du système? Si le gouvernement du Québec a si peur de manquer d'argent pour soigner les personnes âgées, pourquoi persiste-t-il à lancer de nouveaux programmes? Pourquoi gèle-t-il les tarifs des garderies? Pourquoi rechigne-t-il à exploiter ses richesses naturelles?

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Le gouvernement Marois en a surtout contre la nouvelle Subvention canadienne pour l'emploi. Québec voudrait qu'Ottawa lui transfère la somme sans condition, le gouvernement Harper veut s'assurer que les provinces mettent en place le programme tel qu'il l'a conçu, avec une feuille d'érable (bleue) dessus. M. Marceau dénonce ce «fédéralisme prédateur».

Sur le fond, Québec a raison. Le gouvernement du Canada a convenu il y a presque 20 ans que le Québec était mieux placé pour gérer la formation de la main-d'oeuvre. Pourquoi revenir en arrière?

Cela dit, il faut mettre le problème en perspective. La somme en jeu est de 70 millions; c'est à peine 0,4% de tous les transferts fédéraux versés à la province. Il n'y a donc pas matière à déchirer sa chemise. C'est tout au plus un irritant qui se réglera quand les parties décideront de négocier de bonne foi.