La décision de Postes Canada de mettre un terme à la livraison du courrier à la porte dans les zones urbaines a suscité l'indignation de plusieurs politiciens, syndicalistes et commentateurs. Les propos du maire de Montréal, Denis Coderre, sont représentatifs. Pour M. Coderre, la livraison des lettres à la maison est un «service essentiel», «un droit, pas un privilège».

Cette façon de voir les choses est populaire, mais inexacte. Recevoir le courrier à domicile n'est ni un droit ni un service essentiel. Si ce l'était, 10 millions de Canadiens verraient déjà leurs droits bafoués, la Société des postes laissant depuis des années leur correspondance dans des boîtes communautaires ou des installations centralisées.

Ce qui est essentiel, c'est le transport du courrier d'un lieu X (facilement accessible pour l'expéditeur) au lieu Y (facilement accessible pour le destinataire). Postes Canada fournit ce service aujourd'hui et continuera à le fournir demain.

Les partis d'opposition rendent le gouvernement Harper responsable du «plan d'action en cinq points» de Postes Canada. Or, la transformation du service postal canadien est en cours depuis trois décennies. Voici ce que disait à ce sujet le ministre libéral Alfonso Gagliano, il y a 15 ans: «Face à l'implantation massive des nouvelles technologies, Postes Canada doit prendre le virage ou sombrer.»

La détérioration de la situation financière de la Société canadienne des postes, causée par la chute vertigineuse du nombre d'enveloppes transportées, lui impose de réduire à nouveau ses dépenses, sans quoi elle devra demander au gouvernement fédéral de voler à son aide. Combien de contribuables souhaitent que leurs impôts servent à éponger les déficits de Postes Canada?

Certains suggèrent à la Société de conserver le service à domicile, mais d'en réduire la fréquence (aux deux jours, par exemple). Cette avenue est impraticable parce qu'elle aurait des effets néfastes pour les petites entreprises qui comptent encore sur le courrier papier pour envoyer leurs factures et recevoir les paiements.

«Où'sse qu'y vont les mettre?», a demandé le maire Coderre au sujet des boîtes aux lettres communautaires. Bien sûr, les quartiers centraux de Montréal sont densément bâtis, mais il est difficile de croire qu'on ne parviendra pas à trouver de la place pour des boîtes de moins de deux mètres de largeur par 50 centimètres de profondeur ou encore les modèles plus compacts auxquels songe la Société des postes.

La levée de boucliers suscitée par l'annonce de Postes Canada rappelle celle qui a suivi l'installation de comptoirs postaux dans des pharmacies et autres commerces. On a pleuré le déclin du bon vieux bureau de poste... jusqu'à ce que les consommateurs réalisent les avantages des comptoirs, bien situés et ouverts les soirs et les fins de semaine. Parions que la même chose arrivera cette fois-ci.