Time a choisi le pape François Personnalité de l'année 2013. L'équipe éditoriale du magazine a préféré le pontife à l'informaticien Edward Snowden, à l'origine des révélations fracassantes sur les activités d'espionnage électronique des services secrets des États-Unis.

Le choix n'a pas dû être facile. Rappelons que la personnalité de l'année, que Time choisit depuis 80 ans, n'est pas nécessairement celle qui est vue comme la plus populaire ou la plus bienfaitrice. Il s'agit plutôt de «la personne ou des personnes qui ont eu le plus d'impact sur l'actualité et sur nos vies, pour le meilleur ou pour le pire, et qui a personnifié ce qui a été le plus important au cours de la dernière année.»

Il est certain que et François et Snowden ont dominé l'actualité mondiale en 2013. Lequel a eu le plus d'impact sur nos vies? Lequel des deux aura l'influence la plus durable sur la marche du monde?

Depuis son élection en mars dernier, le pape François s'est affairé à changer l'image de l'Église de Rome. Le message reste fondamentalement le même, mais l'accent est mis sur des volets différents de l'enseignement évangélique. Surtout, le ton diffère. «Il n'a pas changé les paroles, mais il a changé la musique», constate le Time.

L'Église condamne depuis longtemps le consumérisme et la recherche frénétique du profit; elle prêche l'aide aux démunis. Mais ce message était peu entendu, entre autres parce que le faste romain en entachait la crédibilité. Le style de vie simplissime du pape François a rétabli la cohérence entre la parole et le geste. Cela dit, le catholicisme reste une religion; François ne fera pas des croyants des millions d'Occidentaux qui ont rangé leur foi au grenier, voire l'ont jetée à la poubelle.

Edward Snowden a mis au jour des pratiques d'espionnage allant bien au-delà de ce que même les plus désabusés avaient imaginé. La National Security Agency (NSA) et ses équivalents ailleurs dans le monde ont accumulé une quantité inouïe d'informations sur les appels téléphoniques et les échanges par internet autant des citoyens ordinaires que des diplomates et des dirigeants étrangers. De toute évidence, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, les services secrets se sont cru tout autorisé.

Cela dit, à long terme, quel effet ces révélations auront-elles? La NSA modifiera-t-elle vraiment ses pratiques? C'est aussi improbable que souhaitable, tellement pèse lourd l'impératif de la sécurité nationale. Cependant, peut-être les citoyens auront-ils enfin compris qu'ils doivent être prudents dans leurs échanges d'informations, en particulier sur internet.

Le pape François ou le dénonciateur Snowden? Il serait étonnant que l'influence du second dure une fois épuisée sa mine d'informations. Quant au premier, l'impact de son ton plus généreux, plus modeste, pourrait également être de courte durée, à moins que ne suive la modernisation essentielle du fond du discours.