À Varsovie, où se tient une nouvelle ronde de négociations dans la lutte aux changements climatiques, des écologistes continuent de concentrer leur attention sur la mauvaise performance du Canada. Ils ont raison de déplorer l'inertie du gouvernement conservateur dans ce dossier, comme nous l'avons souvent fait ici. Cependant, il ne faudrait pas faire l'erreur de croire qu'Ottawa détient la solution à ce problème gigantesque et complexe.

Dans une entrevue au Globe and Mail, l'économiste en chef de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol, a replacé dans une juste perspective l'importance très relative des sables bitumineux canadiens dans la problématique des changements climatiques. «Les sables bitumineux contribuent sans aucun doute à la hausse des émissions de CO2, a-t-il dit. Mais la différence entre produire du pétrole des sables bitumineux et produire du pétrole de source conventionnelle est si petite qu'on aurait tort de considérer qu'il s'agit d'une source importante d'émissions de gaz à effet de serre.»

Précisons toute de suite que l'AIE n'est pas à la solde de l'industrie pétrolière. Regroupant 28 pays membres de l'OCDE, l'Agence a publié au cours des dernières années des rapports fouillés visant à convaincre les gouvernements de la possibilité et de l'urgence d'agir pour éviter un réchauffement excessif du climat.

Son plus récent rapport, le World Energy Outlook 2013 (WEO), souligne encore une fois que malgré une croissance importante de la production d'énergies renouvelables au cours des 20 prochaines années, les énergies fossiles continueront d'occuper une place dominante dans la production d'électricité et, surtout, dans les transports.

Dans les pays développés, la consommation d'énergie se stabilisera, voire baissera. Mais dans les puissances en développement (Chine, Inde, Asie du Sud-Est, Moyen-Orient, Brésil), la demande de charbon, de pétrole et de gaz augmentera rapidement. En 2035, selon l'AIE, la Chine consommera presque deux fois plus d'énergie que les États-Unis. De la croissance de la demande énergétique mondiale dans les 20 prochaines années, la Chine aura une part de 31%, l'Inde de 18%, l'Asie du Sud-Est de 11%. Les États-Unis? 1%.

Le WEO montre aussi que le monde dispose encore d'abondantes ressources de pétrole, de gaz naturel et de charbon. C'est le défi principal: tant que les énergies fossiles seront plus accessibles, plus efficaces et, souvent, moins coûteuses, les énergies renouvelables auront du mal à prendre toute leur place, malgré les coups de pouce que leur donneront les gouvernements.

Quelle que soit notre opinion sur l'exploitation des sables bitumineux canadiens, il faudrait à tout le moins admettre le fait suivant: même si cette exploitation cessait demain matin, la croissance des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle planétaire n'en serait pas sensiblement ralentie.