Rarement scrutin municipal aura-t-il été aussi important pour la métropole du Québec que celui du 3 novembre prochain. Rarement les Montréalais auront-ils été confrontés à un choix aussi difficile.

Aucun des principaux candidats n'a vraiment su se démarquer durant la campagne électorale. Chacun a ses forces, mais chacun souffre aussi de faiblesses notables.

Pour arriver à choisir, il faut identifier les principaux besoins de la ville:

- Montréal doit avoir une influence déterminante sur les décisions des gouvernements supérieurs, notamment en matière de transport (ex.: le pont Champlain), d'environnement, de développement économique et d'immigration (ex.: la «charte des valeurs»).

- Il faut tirer un trait sur l'ère de la collusion et de la corruption.

- La Ville doit avoir accès à de nouvelles sources de financement autonome afin d'avoir les moyens d'améliorer la qualité de vie de ses citoyens.

Dans la plupart de ces domaines, l'avenir de Montréal dépend de sa capacité à établir un nouveau rapport de forces avec Québec et Ottawa. Pour y arriver, le prochain maire devra savoir parler fort et franchement, gagner le soutien populaire, tisser des alliances (notamment avec la banlieue), profiter des opportunités. Bref, il devra maîtriser l'art de la politique.

Nous avons cru un moment que Marcel Côté pourrait rassembler les Montréalais autour de sa candidature. Si l'homme s'y connaît en gestion et en économie, il s'est révélé piètre politicien. 

Sa «Coalition Montréal» n'a jamais vraiment pris forme; pour quelle cause, outre des considérations stratégiques, M. Côté et Louise Harel se sont-ils unis sous cette bannière? Qui nous dit que le conseiller Côté pourra être un meneur d'hommes? Qu'il pourra s'imposer face à Québec et Ottawa? La campagne électorale ne nous a pas fourni de réponses à ces interrogations.

Des aspirants maires, Richard Bergeron est certes celui qui maîtrise le mieux ses dossiers. Projet Montréal met de l'avant des projets ambitieux. Si cette vision de la ville est à certains égards séduisante, elle risque de coûter très cher. De plus, le côté dogmatique de la lutte à l'automobile annoncée dans son programme (et mise en pratique sur le Plateau) serait néfaste pour la métropole.

Mélanie Joly a fait une bien meilleure campagne que ce à quoi tous s'attendaient. Mme Joly a un bel avenir devant elle. Mais aujourd'hui, sa feuille de route est bien trop courte pour que les Montréalais puissent lui confier les clés de la mairie.

La campagne de Denis Coderre a été décevante à maints égards. On aurait souhaité des engagements plus inspirants et plus précis. La présence dans l'Équipe Coderre d'une vingtaine d'élus d'Union Montréal fait craindre que son administration ne soit minée dès le départ par de nouvelles descentes de police.

Cela dit, il n'y a jamais de candidat parfait. Montréal a besoin d'un maire dynamique, d'un leader, d'une personne qui sait faire de la politique et ainsi s'imposer face à Ottawa et à Québec. L'ancien ministre fédéral a montré dans le passé qu'il possède les qualités nécessaires pour ce faire.

C'est pourquoi, pour la mairie de Montréal, notre choix se porte sur Denis Coderre.

Pourquoi prendre parti ?

Les lecteurs de La Presse se demandent parfois pourquoi nous faisons connaître notre préférence à la veille d'un scrutin. Cette pratique est courante dans les grands quotidiens d'Amérique du Nord; il s'agit même d'une tradition. La raison en est simple: le travail des éditorialistes étant de prendre quotidiennement position dans les débats agitant la société, il serait illogique qu'ils restent sur la touche lorsqu'arrive le débat qui est l'aboutissement de tous les autres, la campagne électorale. 

Il faut rappeler que cette prise de position n'engage que l'éditorialiste en chef, qui s'exprime au nom de la haute direction du journal. La direction de l'information et les journalistes de La Presse conservent évidemment toute leur objectivité et leur indépendance. 

André Pratte

Éditorialiste en chef