Il y a 11 ans, le premier ministre de l'époque, Bernard Landry, confiait à sa ministre des Finances, Pauline Marois, la tâche de mettre en place un plan d'action audacieux visant le plein emploi. Malgré la pluie de mesures et de millions qu'a fait ensuite tomber le gouvernement sur la province, le taux de chômage est resté obstinément au-dessus de 8%...

Le programme économique dévoilé hier par Mme Marois, aujourd'hui première ministre, est de la même eau que les stratégies grandiloquentes dont les élus et fonctionnaires québécois sont friands, en particulier les péquistes. Tout en admettant que la création d'emplois dépend d'abord de l'entreprise privée, on multiplie les politiques, les acronymes, les organismes, les subventions et les dépenses étatiques. Dans le document publié hier, il y en a pour 154 pages.

Certaines mesures sont bien sûr bienvenues, qu'on pense à l'accélération de la rénovation des écoles ou aux efforts consentis pour l'électrification du transport. Cependant, plusieurs obstacles se dressent.

Premièrement, cela fait beaucoup d'énergie et d'argent investis pour créer 43 000 emplois en trois ans. L'an dernier, le ministère des Finances prévoyait la création naturelle de 38 000 emplois en 2014. Compte tenu de la détérioration de la conjoncture depuis quelques mois, cette projection a été ramenée à 25 000. Le plan d'action dévoilé hier permettrait de revenir à l'objectif initial... au coût de 600 millions.

Deuxièmement, on ignore comment le gouvernement parviendra au déficit zéro en augmentant ses dépenses annuelles de plusieurs centaines de millions. Qu'est-il advenu de l'«approche prudente et responsable» dont parlait le ministre Nicolas Marceau dans son budget?

Troisièmement, certaines des cibles que s'est fixées le gouvernement paraissent irréalistes. Pensons à l'augmentation de la part des exportations dans le PIB à 55%, une hausse considérable de 10 points.

Surtout, la stratégie pèche par excès d'interventionnisme. Si on accepte le fait que c'est essentiellement le secteur privé qui crée des emplois, il faut laisser aux entreprises le plus d'espace possible pour choisir leur créneau et prendre des risques. L'État peut certes donner un coup de pouce, mais il doit surtout s'efforcer de ne pas nuire. En particulier, il doit établir un climat de confiance, un domaine où le Parti québécois de Mme Marois a été particulièrement malhabile depuis son arrivée au pouvoir.

Pendant que le gouvernement du Québec rêve d'un monorail à grande vitesse (page 113), les provinces de l'Ouest caracolent avec des taux de chômage beaucoup plus bas que le nôtre (4,2% en Saskatchewan, 4,8% en Alberta, 5,2% au Manitoba). Se pourrait-il que la création d'emplois dépende d'autre chose que l'épaisseur des plans concoctés par les stratèges et les bureaucrates?