Il n'y a pas qu'en stratégie militaire que la surprise peut changer radicalement la donne. C'est aussi le cas en diplomatie, comme on l'a vu ces derniers jours dans le dossier syrien. La proposition russe de soumettre au contrôle international les armes chimiques de la Syrie a bouleversé les plans de l'administration Obama. Et c'est une excellente chose.

En effet, à court terme au moins, l'initiative russe évite aux Américains de lancer une attaque contre le régime de Bachar Al-Assad, attaque qui risquait fort d'avoir des conséquences néfastes en provoquant une escalade régionale et en faisant de nombreuses victimes «collatérales».

Le fait que les responsables de la politique étrangère de Washington et de Moscou soient parvenus à s'entendre sur un processus devant mener à l'élimination de l'arsenal chimique syrien est de bon augure. On peut espérer que ce rapprochement ouvrira la voie à des négociations sur une solution politique à la crise en Syrie.

L'accord signé par John Kerry et Sergueï Lavrov prévoit la destruction rapide des armes chimiques du régime Assad. Cependant, les frappes américaines n'étant plus imminentes, le président syrien trouvera sans doute toutes sortes d'excuses pour gagner du temps. Il pourra se traîner les pieds avant de remettre aux autorités internationales les informations complètes sur ses stocks. Il mettra des bâtons dans les roues des inspecteurs, comme il l'a déjà fait.

En supposant que les inspecteurs internationaux parviennent à avoir accès à toutes les armes chimiques syriennes, la neutralisation de celles-ci restera complexe. Les experts interviewés hier par les médias doutent que cette destruction puisse avoir lieu d'ici à la mi-2014, comme le prévoit l'entente. «Cela paraît parfaitement fantaisiste, a dit au Monde Olivier Lepick, spécialiste de la Fondation de la recherche stratégique. Dans une situation de paix, il faudrait plusieurs années. La Syrie n'a aucune infrastructure pour détruire ses armes chimiques.»

L'opposition au régime Assad et les élus américains favorables à une intervention musclée en Syrie étaient furieux en fin de semaine à la suite de l'annonce de l'accord russo-américain. À leurs yeux, cette entente ne fera rien d'autre que permettre au dictateur syrien de demeurer en poste. Cependant, comme nous l'avons écrit ici plusieurs fois, les aventures occidentales en Afghanistan, en Irak et en Libye ont montré que les actions militaires étrangères sont peu efficaces quand il s'agit de remplacer un régime et d'instaurer la paix et la démocratie. Le plus souvent, elles font plus de mal que de bien.

Toute solution durable à la crise syrienne sera politique et diplomatique. Heureusement, on vient de voir que malgré de graves lacunes, la diplomatie n'est pas tout à fait impuissante.