Des propos des uns et des autres se dégage l'impression que le gouvernement du Parti québécois et la Coalition Avenir Québec trouveront un terrain d'accord sur la future «charte des valeurs québécoises». Au sujet du port de signes religieux dans la fonction publique, les deux partis s'entendront pour que l'interdiction s'applique au minimum aux représentants de la justice et aux enseignants.

Les signes religieux? Soyons honnêtes: le seul signe religieux qui dérange vraiment est le voile islamique. Jusqu'à il y a quelques années, qui s'inquiétait de ce qu'un médecin porte une kippa ou un aumônier un crucifix? Aux yeux de bien des gens, «voile» égale «burka» égale «soumission de la femme» égale «extrémisme» égale «terrorisme». D'où le rejet très majoritaire du port du voile par les employés du gouvernement du Québec.

Pourtant, malgré les images dont on nous inonde, ce n'est pas du voile intégral dont il est question ici. Au Québec, il n'y a pas d'enseignante, de médecin, d'infirmière ou de policière portant la burka. Il y a cependant plusieurs femmes qui portent un hijab, un foulard couvrant les cheveux et le cou. À l'image de la psycho-éducatrice Elsy Fneiche, qui confie son inquiétude sur La Presse+ ce matin, ces femmes sont parfaitement intégrées au Québec moderne. Par leur travail dans les écoles, les établissements de santé et ailleurs, elles apportent à notre société une contribution inestimable. Ce sont des femmes libres. Et cette liberté, elles l'expriment notamment en portant un foulard marquant leur foi, une foi qui fait partie de leur identité comme la langue fait partie de la nôtre.

Quel est l'objectif visé par cette interdiction? Officiellement, que l'État paraisse neutre. Ça ne sera jamais qu'apparence, en effet, car rien ne garantit que telle fonctionnaire au décolleté plongeant ait moins de préjugés à l'égard de certains clients que celle arborant un foulard.

Au fond, il s'agit de réduire le plus possible la place de la croyance religieuse que, dans un éclair de génie qui n'a pas encore frappé tous les régions du monde, nous avons collectivement rejetée. On commence par fermer aux croyants la porte des institutions publiques. Lorsqu'un nouveau tsunami d'anxiété nationale frappera, on dira qu'il faut bannir les signes religieux de la rue. Ah! les choses vont tellement bien en France.

Tout en se targuant d'accueillir l'Autre comme pas un autre peuple, nous aimons seulement la diversité lorsqu'elle est conforme à nos certitudes, baptisées «valeurs québécoises». À la recherche de francophones, nous avions cru trouver les immigrants idéaux: les Maghrébins. Stupéfaction: plusieurs d'entre eux sont musulmans. Et (quel culot!) ils veulent exprimer leur foi en public. Se portant à la défense de la nation, l'État se chargera donc de leur faire comprendre qu'au Québec, le bon immigrant doit non seulement parler français, préférer le 24 juin au 1er juillet et écouter Marie-Mai; il doit aussi laisser sa foi au placard.